Gaspard
Lorsque j’étais interne, lors de mon dernier semestre d’étudiant, un maître de stage en médecine générale m’a parrainé à la revue Prescrire. Lui et moi bénéficions alors d’une ristourne, et je découvrais une vision de la médecine dont j’avais été préservé jusqu’alors.
Rédigés par des professionnels de santé (principalement des généralistes et des pharmaciens), suivant une méthode rigoureuse, les articles de la revue entrent souvent en contradiction avec l’enseignement universitaire initial, assuré, lui, par des professeurs hospitaliers. La revue a également la particularité d’être totalement indépendante de l’industrie pharmaceutique, financée uniquement par ses abonnés.
Souvent, en feuilletant les premières pages consacrées à l’évaluation des nouveaux traitements ou indications, j’ai pensé aux critiques de Télérama sur les sorties ciné de la semaine.
En effet, Prescrire illustre ses avis d’un “bonhomme” plus ou moins content comme le Ulysse de Télérama (Pénélope depuis quelques mois).
Chez Prescrire, le personnage s’appelle Gaspard. Il illustre l’intérêt des traitements évalués chaque mois, allant du carabin rouge de colère, donnant un coup de pied dans la pilule, à un Gaspard sautant de joie.
Une chose m’a toujours interpellé, c’est la rareté de l’apparition des deux Gaspard les plus enthousiastes. Alors qu’une majorité écrasante de “N’apporte rien de nouveau”, “Eventuellement utile” et “Pas d’accord”, illustrent les nouvelles sorties.
Feuilles d’automne
En ce mois de septembre 2022, j’avais envie de partager ma lecture des trente premières pages du dernier numéro, surtout avec ceux qui ne peuvent ou ne veulent en bénéficier. Voici donc des captures d’écran de chaque avis rendu, dans l’ordre de parution.
Un traitement préventif de l’infection par le VIH qui n’aurait pas fait ses preuves : “N’apporte rien de nouveau”.
Un anticancéreux dont l’autorisation de mise sur le marché précoce, ne tient qu’à un seul essai, en cours : “Ne peut se prononcer”.
Un anti-cancéreux, lui aussi évalué sur un seul essai, allongerait la survie modestement contre des effets secondaires conséquents : “Eventuellement utile”.
Un anti-cancéreux qui n’a pas augmenté la durée de vie des patients d’après le seul essai présenté : “N’apporte rien de nouveau”.
Un anti-cancéreux qui n’a pas été comparé aux autres traitements : “N’apporte rien de nouveau”.
Nouvelle indication pour un traitement déjà autorisé chez les adultes, sans preuve de progrès. Il pourra être utilisé chez les adolescents sans plus d’évaluation sur cette population : “N’apporte rien de nouveau”.
Un anticancéreux, sur la base d’un essai modifié en cours, qui n’apporterait pas d’augmentation de la durée de vie : “Ne peut se prononcer”. Et un traitement du myélome, autorisé sur la base d’un essai non comparatif, c’est à dire, sans comparaison avec le traitement de référence (donc hors du standard de l’évaluation) : “Ne peut se prononcer”.
Un traitement pour le myélome, évalué sur la base d’un seul essai, sans preuve d’allongement de la durée de vie : “N’apporte rien de nouveau”.
Un traitement de leucémie, testé dans un seul essai, seulement contre placebo (pas comparé au traitement de référence) : “Eventuellement utile”.
En pédiatrie, un antiépileptique qui n’apporterait pas de preuve de progrès : “N’apporte rien de nouveau”.
Encore dans le myélome, un traitement autorisé sur la base d’un seul essai qui serait inadapté d’après la revue : “N’apporte rien de nouveau”.
Palmarès
Que retenir de ce mois de septembre, en terme de sorties ? Si les pilules étaient des films, le(s)quel(s) irions-nous voir ? Ou bien, plus prosaïquement, quel(s) médicament(s) retenir pour le prescripteur et quel traitement porteur de progrès pour le patient ?
Pour Prescrire, mieux vaut s’abstenir. Gaspard laisse tomber la pilule négligemment, ou bien la contemple avec circonspection. Pas de médicament enthousiasmant, des études bâclées, des autorisations sur la foi d’un seul essai (financé par l’industriel), de maigres ou pas de bénéfices sur la durée de vie.
Voilà un bilan de septembre très terne, mais, somme toute, assez habituel. Pas de quoi surprendre le lecteur blasé de la revue, si on se réfère à une rétrospective sur dix ans.
Entre 2008 et 2017, on compte sur les doigts des deux mains les appréciations “Bravo” et “Intéressant” réunies, alors que 943 traitements et nouvelles indications ont été révisées. Cela représente 1% de l’ensemble.
Dans le bas du tableau, les appréciations “N’apporte rien de nouveau” et “Pas d’accord” représentent 70%. Et si on ajoute à ces dernières les “Eventuellement utile” et “La rédaction ne peut se prononcer” on atteint 94%.
Plan large
Depuis une dizaine d’années, en fait depuis l’affaire Mediator qu’elle a contribué a faire émerger, la revue Prescrire dresse une liste d’une centaine de médicaments qui, d’après elle, devraient être retirés du marché sine die.
Une centaine de traitements, certains anciens et d’autres récents, dont certains sont aujourd’hui largement prescrits comme par exemple ici, dans le domaine de la diabétologie.
Et, c’est en continuant de tourner les pages de la revue de septembre que je tombe sur un article sur les laits artificiels. En comparant leur évaluation avec celle des médicaments, sa conclusion apparaît comme un distillat de la pensée de la revue.
La plupart des essais sont financés par les firmes, de faible qualité, sur des critères peu pertinents, parfois seulement à visée promotionnelle.
Responsabilité
Prescrire, c’est :
- environ 30.000 abonnés, parmi lesquels 4.000 étudiants et 15.000 généralistes (sur 85.000 généralistes actifs), 4.000 pharmaciens et quelques centaines de spécialistes (1.200).
2.700 lecteurs assidus, les lecteurs émérites, valident mensuellement un test de lecture qui rapporte des points de formation pour les étudiants.
A noter que la catégorie Divers, comprenant les administrations, la Sécurité sociale, etc… compte 900 abonnés.
- une référence pour la formation des internes en médecine générale au sein des facultés, par l’intermédiaire des départements de médecine générale (DMG) :
- une référence pour les trois principaux syndicats d’étudiants et jeunes médecins :
- une référence pour les étudiants eux-mêmes :
Ici le témoignage d’un interne sur son blog, et quelques publications sur twitter :
De fait, la voix de Prescrire est très largement diffusée et écoutée. Elle porte une responsabilité majeure dans la formation des médecins généralistes.
Fake-news
Du coup, il y a un problème. Pourquoi une revue indépendante de l’industrie pharmaceutique, revendiquant 30.000 professionnels abonnés, servant de support à l’enseignement des futurs généralistes, dresse un tableau si lamentable des évaluations médicales.
Et que penser de sa demande de retrait argumentée d’une liste d’une centaine de traitements ? Qui, en clair, est une injonction aux autorités de faire leur travail en les retirant de la circulation pour dangerosité ou bien pour s’être appuyé sur des données bancales.
La persistance, année après année, de cette injonction, à laquelle les autorités semblent rester sourdes, tient sûrement au fait qu’elle est ignorée du grand public. Les autorités et les professionnels s’y sont bizarrement habitués.
Maintenant, si l’on reprend les critiques les plus courantes adressées à la revue, on la juge intransigeante, manquant de nuances, extrémiste en somme.
On entend souvent : “Oui, mais si on écoute Prescrire, on ne prescrit plus rien”, comme si la feuille de papier que l’on remet à son patient en fin de consultation était l’alpha et l’oméga de la profession.
Ou encore, “Ce n’est pas la revue Prescrire, mais la revue Proscrire !”.
Un terme revient souvent pour qualifier les lecteurs qui font valoir ses points de vue : ayatollah.
L’extrémisme n’a rien de bon, il fausse le jugement, fait naître la conviction intime de détenir une vérité finalement arbitraire. Il entraîne des conséquences désastreuses et peut mettre la vie d’autrui en danger. Ici, le dénigrement quasi-systématique des nouveaux traitements et l’établissement d’une liste de médicaments dite “noire” pourrait détourner le prescripteur et le patient de molécules sauvant des vies, tout du moins améliorant significativement la santé.
Si cette liste, aujourd’hui confidentielle (8 occurrences sur Google actualités cette année dans des journaux secondaires), venait à être diffusée auprès du public, il est à parier que nombre de patients arrêteraient leur traitement avant les agences sanitaires, et les conséquences seraient potentiellement désastreuses.
Désastreuses en premier lieu pour le patient, mais également pour la réputation des prescripteurs spécialistes de ces centaines de traitements “douteux”, ainsi que pour les généralistes les renouvelant. Ils les auraient prescrits en connaissance de cause sans informer leurs patients des alertes répétées de LA revue médicale indépendante.
Prescrire extrémiste, ses avis pourraient s’apparenter à des fake-news, des informations prenant l’apparence du sérieux, construites, mais finalement totalement erronées.
Une enquête
De deux choses, l’une. Soit Prescrire raconte des bobards, soit le système en place (l’ANSM, l’HAS, l’Agence Européenne du médicament et le Ministère de la santé) qui autorise et maintient ces traitements est défaillant.
Il me semble que ne pas statuer est profondément malsain.
Soit les autorités sanitaires font correctement leur job, et la revue Prescrire, par une argumentation fallacieuse, limite complotiste, influence négativement une partie des médecins et des étudiants, privant les patients de solutions thérapeutiques de pointe et bénéfiques.
Soit une centaine de médicaments (ou du moins une partie de la liste Prescrire) sont à retirer du marché et d’autres centaines de traitements ne devraient pas être validés parce qu’ils n’apportent aucun ou pas assez de bénéfices pour le patient. Ce qui signifierait que des industriels se permettraient de faire passer des vessies pour des lanternes.
A titre de comparaison, lorsqu’un professeur marseillais médiatique promeut une molécule “miracle” en traitement du Covid-19, les pouvoirs publics ont, à juste titre, mis les moyens d’enquêter sur ses méthodes.
Il serait logique que les mêmes moyens soient dirigées contre le gendarme du médicament si sa défaillance était soupçonnée. Sans parler des industriels coupables de falsification ou de présentation fallacieuse de leurs données. En effet, ces dérives aboutiraient à ce que des centaines de chloroquine se trouvent prescrites à des patients, avec l’aval des autorités et malgré les alertes répétées d’une revue.
Ou bien, à l’inverse, ces enquêtes devraient être menées à l’encontre de la revue Prescrire, avec la même détermination que l’IGAS à Marseille. Car ne rien faire pourrait laisser penser qu’elle dit (au moins partiellement) la vérité.
Investigations préliminaires
Nous posons ici des éléments que l’IGAS ou toute personne souhaitant se forger une opinion trouvera utile.
Haute autorité de santé
Pour évaluer l’apport d’un nouveau traitement, la Haute autorité de santé, organisme public censé être indépendant, détermine son ASMR (Amélioration du service médical rendu, voir ici pour plus de précisions).
Dans le graphique ci-dessous, issu du rapport annuel de 2021 de l’HAS, nous constatons que 80 à 90% des nouveaux traitements n’obtiennent que la mention ASMR 4 ou 5 (réunies), ce qui correspond à une ASMR mineure ou inexistante.
Entre 50 et 60% des nouveaux traitement n’apportent AUCUN progrès (ASMR 5)
Est-ce à dessein, les ASMR de 1 à 3 sont fusionnées, ce qui n’était pas le cas dans le graphique du rapport de 2017 :
Cela permet de distinguer des 5 niveaux d’ASMR. Dans le groupe 1 à 3, ce sont finalement les ASMR 3 (amélioration modérée) qui sont prédominantes. Les ASMR 1 (majeure) et 2 (importantes) sont anecdotiques voire nulles en 2017.
On laissera le lecteur juge de la proximité des évaluations officielles avec celles de la revue Prescrire.
Partie civile
En juillet 2018, un collectif d’associations de patients (France Assos Santé, La ligue contre le cancer, AIDES), de consommateurs (UFC-Que choisir), d’ONG (Médecins sans frontières, Médecins du monde) et la revue Prescrire, s’associe pour alerter contre la facilitation de la mise sur le marché des médicaments.
On reprend ici un extrait du communiqué de presse :
L’évaluation des médicaments doit être maintenue et même renforcée. Le processus d’évaluation des médicaments est présenté par les industriels comme la principale cause des délais d’accès au marché. Ces retards sont en fait dus au temps de négociation de prix, notamment face aux exigences de prix très élevés des industriels pour des médicaments n’apportant pourtant qu’une amélioration du service médical rendu mineure (IV) ou inexistante (V, soit « absence de progrès thérapeutique »). Les données présentées par les industriels sont souvent trop incomplètes ou ne présentent pas un recul suffisant pour établir qu’ils représentent un progrès tangible pour les patients. Nous sommes particulièrement inquiets sur l’annonce de l’ouverture d’un vaste chantier visant à réformer l’évaluation du médicament qui, au regard des essais fournis par les industriels, mérite justement d’être renforcée.
Il est ici utile de préciser que France Assos Santé est le représentant légitime des usagers de soins. Voici comment elle se présente :
“France Assos Santé est le nom choisi par l’Union nationale des associations agréées d’usagers du système de santé afin de faire connaître son action comme organisation de référence pour représenter les patients et les usagers du système de santé et défendre leurs intérêts.
Forte d’une mission officiellement reconnue par son inscription dans le code de la santé publique via la loi du 26 janvier 2016, France Assos Santé a été créée en mars 2017 à l’initiative de 72 associations nationales fondatrices, en s’inscrivant dans la continuité d’une mobilisation de plus de 20 ans pour construire et faire reconnaître une représentation des usagers interassociative forte.
Notre volonté est ainsi de permettre que s’exprime la vision des usagers sur les problématiques de santé qui les concernent au premier chef, par une voix puissante, audible et faisant la synthèse des différentes sensibilités afin de toujours viser au plus juste de l’intérêt commun.”
La méthode Prescrire Vs ANSM
Les liens d’intérêts avec l’industrie pharmaceutique sont, de manière indéniable, un facteur influençant les évaluations, les recommandations et les prescriptions dans un sens qui les éloigne de l’intérêt du patient. La revue Prescrire s’est dotée de garde-fous, inscrits dans la méthode Prescrire. Notamment, les rédacteurs sont des professionnels de santé et n’ont aucun lien avec l’industrie.
Tandis que c’est à force de scandales médiatiques que les autorités sanitaires ont du adopter des règles d’indépendance pour leurs experts. Le plus connu étant celui du Mediator, ou les liens de l’administration avec le laboratoire Servier ont joué un rôle majeur dans l’autorisation indue de la molécule et la résistance opiniâtre à son retrait, face à la pneumologue Irène Frachon.
A ce sujet, la journaliste Anne Jouan vient de publier un livre en association avec une “taupe” médecin à l’ANSM que nous lirons avec intérêt. Le journal Le Point la cite :
L’Agence du médicament est plus intéressée par sa survie que par la protection des patients.
Suite au scandale du Mediator, l’agence AFSSAPS change de nom pour ANSM. A l’instar d’un parti politique de droite (RPR, puis UMP, puis les Républicains) souhaitant laver son nom de l’infamie dont elle s’est rendue responsable.
A noter qu’à l’époque, l’IGAS avait rendu un rapport accablant sur l’agence sanitaire. Elle n’aurait qu’à remettre l’ouvrage sur le métier si sa gestion de la liste Prescrire paraît défaillante.
Un autre scandale révélé par Mediapart en 2015 nous apprenait que des responsables de la commission de transparence (la bien nommée) de la HAS touchaient des émoluments de l’industrie, en amont de la présentation du dossier d’une molécule, parfois sous la forme d’une enveloppe déposée sur le lit d’une chambre d’hôtel.
Dans la même enquête, on apprend qu’un haut responsable de l’Afssaps, en charge des autorisations de mise sur le marché, était en même temps rémunéré par les industriels pour ses services de conseil.
Les lobbys au sommet
Évoquons maintenant le grand décideur invisible : l’Agence Européenne du Médicament. La plupart des décisions d’autorisation de mise sur le marché y sont prise de manière centralisée, dans une ambiance pro-pharma que nous avons décrit dans un article précédent. Nous laisserons le lecteur curieux s’y plonger.
Commentons juste cette photo qui est une capture d’écran d’une interview de sa nouvelle présidente, Emer Cooke, le jour de son investiture en 2020. A Bruxelles, personne ne semble gêné de voir apparaître en sponsor les laboratoires Lilly, Roche, ainsi que le lobby européen des industriels du médicament Efpia. Cela joue probablement, Emer Cooke a travaillé pour ce lobby pendant 7 ans.
Elle est épaulée par un directeur du service légal qui, lui, a travaillé pendant 27 ans pour l’industrie et l’Efpia. Et il est en charge depuis 2013 au sein de l’agence européenne des réformes facilitant l’accès des nouvelles molécules au marché.
A noter également, que le poste de direction de la pharmacovigilance est occupé par une personne qui a été employée pendant 12 ans par l’industrie. Cette personne est donc responsable de la remontée des effets indésirables, entre autres, de médicaments qu’il a contribué à mettre sur le marché.
Focus sur les traitements du cancer
Nous avons vu dans nos feuilles d’automne la prédominance de nouveaux traitements ou indications dans le domaine de la cancérologie. Depuis plusieurs années, industriels et autorités sanitaires sous influence parlent et agissent à l’unisson : il faut, non pas sauver le Soldat Ryan, mais accélérer la mise sur le marché.
Mais, cela ne se fait pas sans risques pour les patients. Nous conseillons à ce sujet la lecture d’un article rédigé autour d’une enquête de l’association Formindep.
La proportion des médicaments approuvés par une procédure accélérée a fortement augmenté des dernières années. Contre une approbation “provisoire” sur la base d’un dossier indigent, les laboratoires s’engagent à produire des études de confirmation après la mise sur le marché de leurs molécules. Le problème, c’est que les résultats de ces études tardent très souvent, ou bien ne sont pas favorables et les autorités n’en tiennent pas rigueur, alors que les firmes continuent à engranger des bénéfices.
Cela a pour conséquence que de plus en plus d’anticancéreux plus dangereux que bénéfiques sont administrés aux patients. Voici un article court à ce sujet.
L’affaire est hautement rentable pour l’industrie. Une étude a porté sur 156 anticancéreux mis sur le marché américain entre 1989 et 2017. Les chercheurs ont estimé que la médiane des revenus générés est de 14,50 $ pour 1 $ investi en recherche et développement.
Enfin, cette hyper-rentabilité s’accompagne d’une baisse inquiétante de l’efficacité des traitements. Une étude portant sur la période de 1992 à 2017 a évalué que seulement 20% des anticancéreux étudiés (sur 93 traitements ayant bénéficié d’une procédure accélérée) avaient prouvé une efficacité sur la durée de vie des patients.
De surcroît, aucun d’entre eux n’a montré sa capacité à améliorer la qualité de vie des patients, alors que ce critère et celui de la survie sont les plus pertinents pour estimer le bénéfice pour le patient. Ce tour de passe-passe est rendu possible par l’utilisation de critères dits “intermédiaires”, tels que la survie sans progression de la tumeur, promus comme pertinents.
Qu’est-ce qu’on fait avec ça ?
Plutôt que de conclure, j’envisage la fin de cet article comme une ouverture et qu’elle se déploie juste en dessous, c’est à dire au niveau des commentaires des lecteurs. Comment chacun, qu’il soit simple citoyen, patient, professionnel de santé, généraliste, spécialiste, administratif dans les agences, ou politique, comment envisage t’il la question ?
Est-ce que Prescrire produit des fake-news et doit donc se taire, ou changer ? Est-ce que les autorités sanitaires sont à blâmer, à réformer ou à renforcer ?
Manque t’il dans l’article des éléments d’enquête à charge ou à décharge ou des éléments de contexte utiles à la réflexion ?
Quel sort doit-on réserver à la liste des médicaments dangereux de Prescrire ?
Et, in fine, comment faire en sorte que les évaluations des médicaments n’affichent plus que des Ulysse/Gaspard radieux ?
Contenu
5 comments
Merci pour cet article
Tu poses des questions au lecteur à charge pour lui d’y répondre.
La revue Prescrire est une revue indépendante.
C’est à dire que ses avis ne lui “rapportent” rien, à part peut-être la vindicte des médecins (et autres) qui se sentent démunis s’il ne peuvent rien prescrire.
Est elle excessive dans ses avis?
Certains peuvent le penser mais comme ses avis sont basés sur une étude de la littérature concernant chaque molécule, donc des faits, il est possible de débattre mais pas de contester. Donc pas de fakenews.
Concernant les autorités françaises, mais c’est pareil partout semble-t-il, un seul qualificatif, même s’il peut paraître “excessif” pour certains : corrompues.
La dernier ouvrage d’Anne Jouan “La santé en bande organisée” en apporte une analyse factuelle et objective.
Mais c’est un ouvrage de plus après beaucoup d’autres qui dénonçaient cette corruption et rien ne change.
je dirai même au contraire, tout s’aggrave.
“Est-ce que les autorités sanitaires sont à blâmer, à réformer ou à renforcer ?”
C’est une excellente question dont je pense , je viens de répondre.
Alors que faire?
C’est bien la question car être indépendant, travailler pour le bien des patient(e)s semble antinomique pour être une autorité sanitaire ou un personnage politique dirigeant ou pour “faire carrière”.
“Manque t’il dans l’article des éléments d’enquête à charge ou à décharge ou des éléments de contexte utiles à la réflexion ?”
Je pense que l’article n’aborde pas la période actuelle.
Il aurait pu évoquer “l’hystérie” vis à vis des vaccins anticovid19 ou des médicaments anticonvid19 comme le Paxlovid.
Comment comprendre, par exemple que ce traitement, puisse être recommandé par la Haute Autorité de Santé mais aussi par le collège national de enseignants de médecine générale?
Juste des éléments factuels : 5% de bénéfices, 7% d’effets secondaires, médicament étudié par le laboratoire que chez des non vaccinés et prescrit à 80% chez des patients vaccinés?
“Quel sort doit-on réserver à la liste des médicaments dangereux de Prescrire ?”
Leur retirer leur autorisation de mise sur le marché (AMM)
C’est possible.
Les autorités sanitaires ont ce pouvoir.
Elles ne le font pas, pourquoi?
“comment faire en sorte que les évaluations des médicaments n’affichent plus que des Ulysse/Gaspard radieux ?”
Là je pense que c’est impossible.
En effet nous vivons dans la fiction entretenue par l’industrie pharmaceutique, les médias mais aussi les autorités sanitaires et politiques, de la “toute puissance médicale”.
Ne voit on pas actuellement, la promotion de dépistage comme celui de la prostate, du cancer du sein par mammographie par de hautes autorités sanitaires dont le ministre de la santé ou les hôpitaux de Paris, alors que la littérature scientifique médicale nous dit que ces dépistages n’apportent pas les bénéfices mis en avant et même sont délétères pour les patients.
Nous vivons une époque dramatique de régression de la santé.
La problématique des déserts médicaux n’étant que la partie émergée de l’iceberg.
Les raccourcis sont réducteurs.
Je vais tout de suite réagir au précédent commentaire avant de détailler sur prescrire.
L’avis du CNGE sur le Paxlovid est : “la balance bénéfice risque du Paxlovid® est favorable pour les patients à risque de forme grave, non-vaccinés et consultant dans les 5 jours après le début des symptômes” C’est un peu différent que de recommander le Paxlovid . Bien sur le CNGE considère que la balance bénéfice/risque est favorable, mais dans des indications précises ( qui sont celles de l’étude), pas pour tous (en particulier chez les patients vaccinés).
Je précise que j’ai été membre du bureau national de CNGE , ce qui fait un lien d’intérêt, mais que je n’ai pas participé ç la rédaction de cet avis.
Pour la revue Prescrire, un rappel de vieux. Pendant longtemps Prescrire a été la seule source d’informations analysant les effets des molécules de façon indépendante de l’industrie pharmaceutique, de la littérature francophone. Elle a été un compagnon de route de nombreux médecins cherchant une information moins contrainte par les liens d’intérêt.
Pour aller plus loin sur les critiques de Prescrire, ce sont surtout des critiques des lecteurs. Prescrire fournit une information sur les médicaments . Je ne parlerai pas des autres sections de la revue qui ne sont d’ailleurs pas abordées dans ce post.
La masse d’informations diffusées, les habitudes de notre monde pressé, nous conduisent (je m’inclus dans la critique) à réduire nos lectures aux gros titres, aux avis, aux résumés. Les avis de la revue Prescrire sont une prise de position de leur rédaction. Elle est argumentée, mais reste un avis. L’important est dans les données détaillées. C’est à chaque lecteur à évaluer l’utilité éventuelle de la molécule en fonction des données existantes. Il y a ensuite une explication des données au patient qui décide en fonction de ces informations, mais c’est un autre sujet.
Pour revenir à ma critique sur certains lecteurs, elle concerne la façon d’aborder la revue. Une revue, quelque soit sa qualité est une source d’information, elle ne peut être unique ( en prenant en compte les possibles liens d’intérêt de chacun). L’erreur, à mon avis, est de considérer Prescrire comme une source unique, parfois quasi mystique de vérité. Prescrire apporte une information utile, nécessaire, mais à confronter aux autres.
Bonjour,
1) Le titre ne répond pas au contenu de l’article
2) Prescrire fait un travail formidable mais ne peut rien contre la nécessité de prescrire en fin de consultation.
3) Prescrire est surtout bon pour l’évaluation des médicaments, c’est à dire l’analyse des essais cliniques.
4) Prescrire est “boudé” par les spécialistes d’organes parce que la partie clinique est parfois incertaine, voire erronée. Par ailleurs, en tant que relecteur, il est exceptionnel qu’un remarque (fondée) soit prise en compte. C’est assez embêtant.
5) Prescrire s’est parfois trompé sur des molécules qui ont transformé la vie des gens, comme sur les inhibiteurs de la phosphodiestérase.
6) Enfin, Prescrire n’a pas su saisir le virage numérique, ou trop tard, ce qui signifie que ses avis n’ont pas été assez popularisés.
7) Prescrire est cher.
8) Prescrire est indispensable.
9) Le procès des agences gouvernementales se heurte à l’appareil d’Etat.
Bonne journée.
Merci pour vos commentaires.
Je vois que la discussion tourne autour de Prescrire. En fait, dans l’article, je vois seulement la revue comme une manière de se faire une idée du médicament.
De la même manière, lire Télérama n’est pas voir le film. C’est simplement le doigt qui pointe le film.
Dans la problématique du médicament, la question n’est pas de savoir avec quelle précision pointe le doigt, mais d’apprécier ce qui est pointé par le doigt.
Les questions posées en ouverture et qui sont évitées dans les deux commentaires précédents, pourraient permettre d’y voir plus clair dans la réflexion, à mon humble avis.
On pourrait les reformuler ainsi :
Est-ce que Prescrire et l’HAS sont fiables pour dire que la majorité des traitements n’apportent rien ?
Y a t’il sur le marché actuellement des médicaments inutiles et dangereux ?
Le cas échéant, les autorités sont-elles fiables ?
Et, question subsidiaire, qu’est-ce qui fait que l’on accepterait cela ?
Je regrette que l’article n’ait pas amené les réflexions sur ces pistes, mais les commentaires sont là, heureusement !
Bonne soirée
En préambule, je dirai qu’il n’y a aujourd’hui que peu d’espace de discussion et qu’un article ouvert aux commentaires en est un. Si tant est qu’il y ait des réponses car je remarque souvent que quand on aborde des sujets “problématiques” ou “polémiques” c’est soit l’insulte comme sur Twitter, soit le silence.
Donc merci pour cet espace.
Je pense avoir répondu précédemment à la première de cette nouvelle série de question.
“Y a t’il sur le marché actuellement des médicaments inutiles et dangereux ?”
Je répondrai par l’affirmative.
Je dirai même plus que ce marché se développe.
Je ne parle pas des thérapeutiques “charlatanesques” mais des médicaments avec AMM, prescrit dans leur indication.
C’est ce que l’on appelle d’un nom “très bienveillant” : la prescription compassionnelle.
C’est ce qui se passe par exemple pour les médicaments antiAlzheimer mais aussi pour le Kaftrio, un médicament de la muccoviscidose mais dont l’AMM ne le réserve que pour certains patients atteint de cette pathologie (https://www.jim.fr/medecin/actualites/pro_societe/e-docs/le_kaftrio_traitement_miracle_contre_la_mucoviscidose_194170/document_actu_pro.phtml)
“Le cas échéant, les autorités sont-elles fiables ?”
Ma réponse est non, car l’intérêt des autorités est de favoriser le marché, et non l’intérêt des patients.
“Et, question subsidiaire, qu’est-ce qui fait que l’on accepterait cela ?”
Cette question est particulièrement pertinente, à mon sens.
Je pense que la réponse se trouve dans “la toute puissance médicale” que promeut l’industrie mais aussi les autorités et nombre de professionnels.
Mais il ne faut pas oublier que les patients eux aussi sont à la recherche de cette toute puissance face aux maux et maladies.
Et cette toute puissance est représentée par la prescription médicameuse.
Nombre de confrères, en France en particulier mais sans doute ailleurs aussi, ne considèrent que l’acte médical n’existe que s’il y a eu prescription médicamenteuse à son terme.
C’est sans doute pour cela, qu’ils s’accrochent au moindre bénéfice démontré (même dans des études “douteuses” comme par exemple avec de nombreux biais comme celui d’être produit par le fabricant du médicament lui-même) pour en recommander la prise ou prescrire le médicament.
Il y a quelques années, une étude avait comparé la prescription médicamenteuse après une consultation d’un médecin généraliste, en France et aux Pays Bas. En France 91% des consultations se terminaient par la prescription de médicaments, quand aux Pays Bas cela ne se faisait que dans 64% des cas.
Il semble donc que le recours aux médicaments est une pratique importante en France.
Donc comment s’étonner alors que des médicaments inutiles et dangereux soient maintenus sur le marché et qui plus est soient prescrits.