Article adapté d’un thread Twitter – en savoir plus
Une excellente analyse du @Formindep @fpesty @Le_Goracheck qui nous explique comment le gouvernement et des sénateurs aident les grandes Pharmas à subtiliser, ni vu ni connu, des milliards d’argent public, pour financer des médicaments non évalués.
D’abord quelques éléments contextuels.
PREMIERE PARTIE : la tribune
Récemment, cette tribune a été publiée dans @lemondefr, puis dans @Pourquoidocteur par un groupe de professeurs. Elle accuse l’État d’être en train de priver les patients d’innovations par pure avarice.
Pour commencer, les auteurs mentent éhontément sur le fait que les délais d’accès aux nouveaux médicaments seraient particulièrement longs en France, comme le montre une étude très récente. esmo.org/Press-Office/P…
Cette même étude montre clairement que ces délais sont liés, de manière légitime, au niveau de bénéfices évalué selon le score de bénéfices cliniques de l’ESMO de ces médicaments, ce score étant considéré comme le plus fiable pour évaluer les bénéfices des anticancéreux.
Un Twitto a fait une excellente analyse de cette tribune, qui se contente de reprendre mot pour mot l’argumentaire des grandes compagnies pharmaceutiques, sur la base d’une série de sophismes et de mensonges
Présentons quelques-uns de ces philanthropes, signataires de la tribune.
Frédéric Selle, oncologue, groupe hospitalier privé les Diaconnesses à Paris, association à but non lucratif https://t.co/v3pbeFmHbF?amp=1
le Pr Jean-Jacques Zambrowski, économiste de la santé stratgame.fr/images/cv/jean…
Stéphane Culine, chef de service d’oncologie médicale à l’hôpital Saint Louis hopital-saintlouis.aphp.fr/service-de-soi…
Les raisons pour lesquelles ces personnages reprennent mot pour mot l’argumentaire des compagnies pharmaceutiques sont objectivables et mesurables… mesurables en euros. Et ce ne sont pas de petites sommes.
De tels émoluments devraient les faire considérer comme des employés de Big Pharma. Mais loin de le revendiquer, ils utilisent, au contraire, la légitimité que leur confère leur appartenance, pour certains, à des services publics, pour présenter leur analyse comme objective.
Appelons donc les choses par leur nom et disons qu’il s’agit d’une campagne de désinformation téléguidée visant à justifier la dérégulation des politiques du médicament.
DEUXIEME PARTIE : à quoi sert la régulation du marché des médicaments tant honnie par l’industrie pharmaceutique ?
Cela peut se résumer en quelques mots : elle sert à s’assurer que la collectivité, l’État, dépense son argent à bon escient et de manière cohérente pour des médicaments qui ont vraiment un intérêt pour les patients.
Une régulation suffisamment rigoureuse permet aussi d’assurer aux patients qu’ils auront plus de bénéfices que de risques de ces médicaments payés parfois rubis sur l’ongle par la collectivité.
La régulation, une régulation de qualité et exigeante, est donc d’une très grande importance à la fois pour la collectivité et les patients.
Car en France, à la différence, des États-Unis par exemple, le système assurantiel qui prédomine est beveridgien et garantit, par la solidarité et le financement collectif, l’accès aux soins à tous les citoyens. Il repose sur les principes d’universalité, d’uniformité et d’unité
À la différence des États-Unis donc, où il n’y a pas d’assureur UNIQUE public, mais des assureurs multiples, majoritairement privés, et où chacun doit s’assurer comme il peut. Les systèmes publics Medicare et Medicaid ne prenant en charge qu’une minorité d’Américains.
Aux États-Unis, le prix des médicaments est fixé par négociation entre assureurs privés et Pharmas, ce qui explique que les prix des médicaments y soient beaucoup plus élevés que n’importe où ailleurs, parce que la seule limite aux prix est « ce que le marché est capable de supporter ».
Or le marché semble capable d’en supporter beaucoup, tant que toutes les compagnies et acteurs privés qui y participent (industrie pharmaceutique, grossistes, médecins, hôpitaux, assureurs, pharmacy benefit managers, …) peuvent prélever leurs bénéfices au passage.
Les Américains dépensent ainsi environ deux fois plus d’argent per capita en médicaments que les Français, et 400 milliards de dollars contre 35 milliards d’euros en France de dépenses médicamenteuses totales.
Les résultats sur la santé sont plutôt bien meilleurs en France (bien entendu d’autres facteurs interviennent) ce qui nous autorise à dire que notre système beveridgien régulé est incomparablement plus efficient que le système libéral dérégulé.
Mais cela suppose aussi que l’État et la représentation nationale, qui gèrent notre système assurantiel collectif, notre argent, ont une responsabilité vis-à-vis des citoyens, celle d’en faire une gestion prudente, cohérente et non dispendieuse.
TROISIEME PARTIE. Gouvernement libéral, projets de loi téléguidés ou comment augmenter, ni vu ni connu, les dépenses médicamenteuses de plusieurs milliards.
En France nous avons donc les dépenses ambulatoires avec les rétrocessions hospitalières, qui représentent les dépenses officielles en médicaments, visibles d’un point de vue comptable dans les comptes de santé ou comptes de soins et bien médicaux (CSBM) insee.fr/fr/statistique…
Cette partie visible est encore majoritairement financée par l’assurance maladie.
Mais nous avons aussi une partie cachée dont l’importance augmente. Et c’est celle-là qui risque d’exploser suite aux décisions prises lors du vote de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) décrites dans l’analyse du Formindep.
Cette partie cachée concerne, notamment, les médicaments qui n’ont pas l’AMM et que l’on peut pourtant utiliser, qui sont les médicaments « innovants », des anti-cancéreux, et, de plus en plus, les thérapies ciblées, en partie financés par le biais de la « liste en sus ».
Mise en place par arrêté ministériel le 4 avril 2005, la liste en sus est une liste de médicaments onéreux qui peuvent être financés par des voies parallèles. Cette liste peut être modifiée par simple arrêté ministériel.
Après sa mise en place, elle est rapidement montée en puissance et représentait en 2012, 2,6 milliards d’euros securite-sociale.fr/IMG/pdf/fiche_…
C’est-à-dire environ 7,7% des dépenses médicamenteuses officielles en ambulatoire.
Les médicaments financés par ces voies parallèles sont surtout les médicaments en ATU ou Autorisation temporaire d’utilisation qui sont des médicaments onéreux qui n’ont pas encore obtenu l’AMM (autorisation de mise sur le marché). Cette voie permet aussi de financer les RTU ou recommandations temporaires d’utilisation et les post ATU
Une particularité saillante des médicaments en ATU c’est que leur rétribution ou les «indemnités» versées aux laboratoires n’est pas régulée : les laboratoires peuvent demander le prix qu’ils veulent pour ces médicaments.
En effet, comme je l’expliquais, les médicaments qui passent par la voie classique doivent se soumettre au système de régulation, pour contrôler leur niveau d’efficacité et leur rapport bénéfice/risques et aussi pour vérifier que le prix accordé est en rapport avec les bénéfices attendus.
Mais dans le cas des ATU, il n’y a ni évaluation des bénéfices, ni régulation des prix: on finance sur la seule foi dans le caractère « innovant » de ces thérapies. Et on finance à des niveaux très élevés et sans aucun contrôle.
L’analyse du Formindep porte sur le très récent vote de l’article 42, qui reprend à la lettre les demandes de l’industrie pharmaceutique en matière de dérégulation du marché du médicament.
Mais le terrain avait été préparé en 2017, lors du vote de la loi de financement de la sécurité sociale, où le FFIP (Fonds de financements de l’innovation pharmaceutique) fut créé. Le FFIP est un fonds de financement qui permet des financements quasi illimités pour «l’innovation», au «fil de l’eau» (entendre qu’il s’agit de financements peu contrôlés).
Ce fond riche de 10 milliards d’euros financés grâce à l’appauvrissement de l’Etat est géré par un établissement public entreprises.gouv.fr/dge/mise-place…
Qu’est-ce que ça va nous coûter ? Beaucoup. Beaucoup puisque les dépenses en la matière ne dépendront que de l’offre des laboratoires, et que ceux-ci ne sont pas à court d’«innovations» à proposer oncocdn.keeo.com/27573.pdf
Les prix actuels pour ces médicaments en ATU et hors circuit classique varient de 386 euros MENSUELS à 19511, le médicament le plus cher étant l’ipilimumab ou Yervoy de Bristol Myers Squibb, avec 234 000 euros annuels
À comparer aux quelques 43 euros mensuels de dépenses par Français en médicaments vendus en ambulatoire, qui comprend déjà les rétrocessions hospitalières.
Ces traitements concernent déjà environ 140 000 patients. On peut envisager, avec cette ouverture en grand des robinets des financements, une pression (manipulation, corruption) croissante sur les prescripteurs et une extension massive des indications, grâce aux RTU, notamment.
En 2014 nous en étions déjà à 2,87 milliards pour les médicaments de la liste en sus, auxquels il faut ajouter 2,87 milliards pour les rétrocessions hospitalières avec une part croissante des anticancéreux.
Nous sommes donc certains que cela coûtera terriblement cher et que nous allons en payer collectivement le prix. Ce dont nous ne sommes absolument pas sûrs c’est que les patients en tireront un quelconque bénéfice.
L’article du Formindep, premier volet, explique les mécanismes, régis par l’idéologie et les conflits d’intérêts, qui ont pu aboutir à la dérégulation du marché du médicament en France.
Bonne lecture.
Twitter est un réseau social qui permet à l’utilisateur d’envoyer des messages courts (tweets) n’excédant pas 280 caractères (ce qui explique l’emploi fréquent d’abréviations). Un thread Twitter est une série de tweets qui se succèdent, émis par un même auteur pour former un contenu plus long. L’auteur peut d’ailleurs numéroter chaque tweet pour les ordonner. Cet article est une reprise sous format blog d’un thread Twitter dont voici l’origine :