Ce qu’on pense savoir : La santé d’une population est déterminée avant tout par les performances de son système de santé.
Ce que nous apprend l’article : Les déterminants de santé peuvent être hiérarchisés et les interventions globales à visée préventive, même si elles ne visent pas spécifiquement l’amélioration de la santé, sont celles qui ont le plus d’impact.
Article adapté d’un thread Twitter – en savoir plus
Thread – Quelles sont les intervention qui ont le plus d’impact sur la santé des populations? Une pyramide à 5 étages qui hiérarchise les déterminants de santé par @DrFrieden ancien directeur du CDC.
coloradocollege.edu/dotAsset/50e39…
À la base de la pyramide, Frieden situe le statut socio-économique qui est le principal déterminant de santé à l’intérieur d’un pays et entre pays. Son influence sur la santé n’est pas totalement élucidée mais on peut citer différents facteurs associés au niveau de vie.
Le niveau de vie élevé s’accompagne d’une meilleure nutrition, d’un accès à l’eau potable et au tout à l’égout, d’une moindre exposition aux risques en général, de l’absence de promiscuité dans les habitations, d’un meilleur niveau d’éducation. Qui entraîne à son tour des choix de style de vie globalement plus sains, notamment moins de tabagisme. Le style de vie prend de l’importance au fur et à mesure que, dans l’histoire, les maladies non transmissibles deviennent prédominantes (transition épidémiologique).
Plus le niveau de vie est élevé, meilleure est la santé d’une population.
Exemple : l’assainissement de l’eau a fait chuter la mortalité des enfants des deux tiers dans les grandes villes américaines au début du vingtième siècle.
Autre exemple : un médecin français, Lowenstein, montra, au début du vingtième siècle, où la mortalité par tuberculose était la première cause de décès des jeunes hommes en France, que 50% des habitations parisiennes ne comptaient aucun décès, tandis que 6% en comptaient 20%. Cela était directement lié à la densité de la population dans ces habitations, donc à la promiscuité (elle-même liée à la pauvreté et au niveau de vie) archive.numdam.org/ARCHIVE/JSFS/J…
Au total, sur les 30 ans d’espérance de vie gagnés au vingtième siècle dans les pays développés, où l’espérance de vie est passée de 50 à 80 ans, 20 ont été gagnés pendant la première moitié du vingtième siècle.
C’est en effet à ce moment qu’on a eu la plus importante réduction de mortalité chez les enfants et les jeunes adultes. Une réduction de la mortalité à des âges précoces détermine un impact positif plus important sur l’espérance de vie à la naissance que si cette réduction de mortalité intervenait à des âges tardifs.
Le deuxième niveau de la pyramide, sont les politiques, en particulier celles qui agissent sur l’environnement et qui rendent les CHOIX PAR DÉFAUT des individus favorables à la santé. Les choix ne sont alors plus conditionnés par le statut social.
La RÉGULATION joue un rôle essentiel dans ce deuxième niveau, comme par exemple l’interdiction de fumer dans les lieux publics limitant la consommation de tabac, l’interdiction de l’amiante dans le bâti , l’interdiction de la publicité télévisée pour des aliments gras, salés ou sucrés aux heures où les enfants sont devant les écrans. Ou encore l’aménagement du milieu urbain pour favoriser l’activité physique, la réduction du sel dans les aliments, la réduction ou interdiction les acides gras trans… Mais la régulation demande une volonté politique et peut heurter certains intérêts . https://youtu.be/evwqGuEkVj0
Au troisième niveau, Frieden situe les interventions de santé publique à long terme, comme la vaccination, le dépistage de masse… Cela se discute néanmoins à l’aune de l’efficacité réelle de ces interventions, mais c’est un autre débat.
Au quatrième niveau on trouve les interventions médicales, par nature individuelles, à visée thérapeutique ou préventive. Leur portée est limitée par leur accessibilité, l’observance le rapport bénéfice-risque réel des interventions choisies et leur adéquation aux cas individuels.
Exemple des conseils et aides pour arrêter de fumer. Faire appel à un conseil médical double l’efficacité mais n’est tout de même pas efficace pour 90% des fumeurs qui souhaitent arrêter.
J’ajouterais que dans le cas de l’approche thérapeutique, qui représente l’essentiel de l’offre et de la demande de soins, la portée et l’intérêt pour la santé publique sont limités, par le fait qu’elle n’a pas de caractère préventif et n’intervient que dans l’après-coup pour l’ensemble des maladies dégénératives comme les maladies cardio-vasculaires, le cancer, le diabète ou les démences. Et que donc elles ne garantissent pas un maintien à long terme de la qualité de vie ou une amélioration de l’espérance de vie en bonne santé. Ceci reste vrai en général, même si l’amélioration de la prise en charge des évènements cardio-vasculaires, qui permet de traiter la cause (plaque d’athérome bouchant une artère) aurait joué un rôle non négligeable dans l’amélioration de l’espérance de vie à partir des années 60, où les pathologies cardio-vasculaires ont commencé à émerger comme des causes de mortalité dominantes. Ceci conjointement avec la réduction du tabagisme, autre cause prépondérante de maladies cardio-vasculaires.
Au cinquième et dernier étage de la pyramide Frieden situe les campagnes à visée éducative et les interventions individuelles visant à modifier les comportements.
Il les situe en dernière position car il pense qu’il est difficile de modifier sur le long terme des comportements conditionnés socialement.
Les interventions à différents niveaux de la pyramide peuvent s’avérer synergiques et Frieden donne l’exemple du tabagisme : niveau d’éducation, plus on est éduqué moins on est fumeur, rôle de la régulation par les interdictions (Loi Evin en 1991 en France), campagnes de prévention, conseil individuel…
Les interventions qui sont à la base de la pyramide, celles qui améliorent le niveau de vie de la population, demandent un engagement politique volontariste, durable et fort. C’est pourquoi elles sont généralement négligées et on leur préfère des interventions moins contraignantes.
J’ajoute que lorsque les conflits d’intérêts s’en mêlent cela complique notablement le choix des interventions sur des critères d’efficacité et leur financement selon leur degré de pertinence (s’attaquer prioritairement aux facteurs qui influent le plus sur l’espérance de vie) ainsi que la priorisation des interventions qui ont le meilleur rapport coût efficacité.
On peut ne pas être d’accord avec tout ce que propose Frieden, comme la fluoration de l’eau, les campagnes de dépistage etc. Mais conceptuellement je pense qu’il a mis dans le mille.
Les interventions qui ont le plus fort impact sur la santé d’une population et sur l’espérance de vie sont celles qui touchent soit le plus grand nombre d’individus en améliorant le niveau de vie médian, soit qui impactent le niveau de vie des groupes défavorisés en imposant des CHANGEMENTS DURABLES, STRUCTURELS et CULTURELS favorables à la santé, en ce sens qu’ils permettent d’éviter des risques majeurs (assainissement de l’eau, réduction de la promiscuité…) ou de faire des choix de style de vie préventifs.
Twitter est un réseau social qui permet à l’utilisateur d’envoyer des messages courts (tweets) n’excédant pas 280 caractères (ce qui explique l’emploi fréquent d’abréviations). Un thread Twitter est une série de tweets qui se succèdent, émis par un même auteur pour former un contenu plus long. L’auteur peut d’ailleurs numéroter chaque tweet pour les ordonner. Cet article est une reprise sous format blog d’un thread Twitter dont voici l’origine :