Dans un appel diffusé le 20 mars 2019 par la société LJ communication1LJ Communication est une agence spécialisée dans le lobbying et qui a pour clients les producteurs de vaccin HPV. Pour en savoir plus, se reporter à l’analyse des conflits d’intérêts (partie II) sous forme de communiqué de presse, 50 médecins, sociétés savantes, sociétés professionnelles, sociétés privées, syndicats médicaux et associations de patients, appellent à la généralisation du vaccin contre le papillomavirus humain (HPV) et à l’extension de son indication aux garçons afin, disent-ils, d’éliminer les cancers dont ces virus seraient responsables.
Nous, médecins et pharmaciens indépendants de l’industrie pharmaceutique, dénonçons le non-respect de la loi par les signataires de cet appel et nous opposons à la généralisation de ces vaccins en raison des incertitudes majeures qui pèsent sur leur rapport bénéfice-risque et coût-efficacité.
Voir aussi :
Vaccination universelle contre le papillomavirus : version courte
Vaccination universelle contre le papillomavirus : conflits d’intérêts (2)
Déclaration des conflits d’intérêt
La loi fait peser sur les professionnels de santé une obligation de déclaration de leurs liens et conflits d’intérêts lorsqu’ils s’expriment publiquement sur des produits de santé (article L.4113-13 du Code de la santé publique) sous peine de sanctions disciplinaires.
La déclaration de liens d’intérêts relève bien d’une responsabilité individuelle et personnelle de la part des signataires et ne peut être déléguée à des tiers.
Or, sur l’«appel des 50», aucune mention n’est faite des liens d’intérêts des professionnels et des sociétés ou associations avec les trois fabricants des vaccins contre le HPV, la deuxième des deux versions successives du communiqué, mise en ligne le 25 mars, renvoyant le lecteur vers la base transparence santé, dont les informations sur les avantages et rémunérations perçus par les professionnels de santé sont fournies par les industriels2On peut lire sur l’appel : «Chaque responsable des sociétés signataires est responsable de sa propre déclaration de liens et éventuels conflits d’intérêt. Celle-ci est en principe disponible, nominativement, sur le site https://transparence.sante.gouv.fr».
Les auteurs du présent appel, refusant par ailleurs les contacts commerciaux avec les industriels, déclarent n’avoir perçu aucune somme provenant des quatres industriels, GSK, Sanofi Pasteur, Merck et Astra Zeneca, qui commercialisent ou perçoivent des droits sur la vente des vaccins contre le HPV. On trouvera à la suite de ce texte leurs propres déclarations de liens d’intérêt.
Développement des vaccins contre le HPV et conflits d’intérêts
L’histoire des vaccins contre le papillomavirus est marquée par un marketing conçu pour promouvoir les conflits d’intérêts parmi les professionnels de santé.
Dans un article paru dans le Journal of the American Medical Association (JAMA) en 2009 SD Rothman et coll3Rothman SM, Rothman DJ. Marketing HPV Vaccine Implications for Adolescent Health and Medical Professionalism, JAMA 2009;302(7):781-786 (doi:10.1001/jama.2009.1179) expliquent comment Merck, fabricant du Gardasil® a, dès 2006, année où le Gardasil® a obtenu l’approbation de la Food and Drug Administration (FDA), financé plusieurs sociétés savantes américaines et utilisé leurs membres comme des visiteurs médicaux chargés de promouvoir le vaccin auprès de leurs pairs contre rémunération au travers de campagnes comme « Educate educators ».
En 2007, le vaccin Gardasil® a obtenu le remboursement pour la prévention du cancer du col de l’utérus chez les jeunes femmes en France par une voie détournée.
En effet, en février 2007 le ministre de la Santé Xavier Bertrand annonçait le remboursement du vaccin, avant que les instances scientifiques n’aient eu le temps de se prononcer sur le sujet, et sans attendre l’avis normalement obligatoire de la commission de la transparence, au nom de l’urgence générée par «la pression médiatique»4Blanchard S, «Vers un remboursement du vaccin?», Le Monde, 13 février 2007 et alors même que le groupe de travail chargé de l’évaluation du vaccin complétait un rapport intégrant une évaluation médico-économique, rapport qui ne fut publié qu’en mars 2007.
Dans ses conclusions, le groupe de travail, prenant en considération la diminution rapide de l’incidence du cancer du col en France, demandait de prioriser le dépistage organisé, expérimenté depuis les années 90 dans certains départements, et n’évoquait aucune urgence concernant la mise en place de la vaccination dont les bénéfices attendus étaient tardifs et modérés dans les hypothèses les plus optimistes5Groupe de travail sur la vaccination contre le papillomavirus, Comité technique de vaccination, Conseil supérieur d’hygiène de France, 23 mars 2007 (a).
Avec cet «appel des 50», nous restons donc dans la tradition des conflits d’intérêts. Une analyse approfondie présentée en fin de document retrouve 1 611 066 euros d’avantages et rémunération provenant des fabricants des vaccins contre le HPV pour l’ensemble des signataires, répartis ainsi : 223 765 euros pour les individus et 1 387 301 euros pour les entités qu’ils gèrent.
Gardasil® et incidence du cancer du col
Cette situation est d’autant plus dommageable pour l’information du public, des autorités et pour la santé publique que cet appel ne cite pas un seul argument scientifique indépendant et recevable à l’appui de ses exigences et se fonde uniquement sur des arguments d’autorité.
Pourtant le vaccin dont ces médecins cherchent à imposer le remboursement pour les garçons n’a jamais démontré son efficacité contre le cancer pendant les essais cliniques. Effectués dans le cadre d’une procédure accélérée, les essais cliniques n’avaient pas pour critère d’évaluation l’efficacité du vaccin quadrivalent contre le cancer.
Après de multiples dérogations au protocole initial à la demande du laboratoire, après une reconstitution de groupes à posteriori, il a seulement été admis de manière contestable par la Food and Drug Administration (FDA) puis par l’Agence européenne du médicament (EMA) que le vaccin présentait une efficacité partielle sur les lésions précancéreuses de haut grade. A la demande du laboratoire et dans le cadre d’une négociation cette efficacité a été considérée comme un critère intermédiaire ou de substitution pour la prévention du cancer6Riva C, Spinosa JP. La piqûre de trop? Pourquoi vaccine-t’on les jeunes filles contre le cancer du col de l’utérus ?. Ed. Xenia, mars 2010, Vevey,p. 28,29.,7Annexe 1 EPAR Gardasil, European medecines agency(b).
Il est à noter que toutes les femmes du bras témoin de ces études ont été vaccinées immédiatement ensuite pour leur éviter “une perte de chances” , et qu’il est donc malheureusement devenu impossible d’étudier l’efficacité à plus long terme du vaccin.
La Haute Autorité de Santé (HAS) a toujours souligné les incertitudes quant à l’efficacité du vaccin sur la prévention des cancers du col de l’utérus. Ainsi les notices du vaccin peuvent porter la mention «peut être ou est utilisé contre le cancer du col de l’utérus» ou «est prescrit ou recommandé contre le cancer du col de l’utérus» mais ne peuvent pas mentionner «a montré son efficacité contre le cancer du col de l’utérus» ce qui serait considéré comme une allégation inexacte.
Les études cliniques ayant été expédiées dans le cadre de procédures accélérées, nous devrions désormais nous fier uniquement à des études observationnelles d’un très faible niveau de preuves et soumises à des biais multiples pour évaluer l’efficacité du vaccin.
Rigueur scientifique
Malgré cela les signataires de l’«appel des 50» laissent entendre que le vaccin pourrait éliminer tous les cancers supposés être liés à la présence de papillomavirus.
Nous les citons:
«[…]de lancer la vaccination universelle gratuite ou remboursée, sans distinction de sexe ou de risque, pour protéger filles et garçons, réduire les inégalités et participer, avec les autres pays, à l’élimination des cancers HPV induits, en suivant la recommandation de l’OMS.
Chaque année, en France, les papillomavirus humains (« HPV ») sont à l’origine de : -Plus de 6 300 cancers : col de l’utérus (2900), pharynx (amygdales, 1400), anus (1512), vulve, vagin, pénis (500) -Environ 30 000 lésions précancéreuses du col dont les traitements ne sont pas sans conséquences (risque accru d’accouchement prématuré et/ou de fausses couches). -Environ 100 000 diagnostics de verrues génitales […].Ces maladies représentent aussi un coût important pour la collectivité: > 500 millions €/an.»
Il faut savoir qu’il n’existait pas jusqu’à présent de suivi épidémiologique régulier des cancers de la vulve, du vagin et du pénis en France, car on estimait que le nombre de cas était trop faible pour justifier d’un tel suivi. Ces estimations n’ont été intégrées qu’en 2018. Mais les estimations citées dans l’«appel des 50» sont tirées d’une étude conçue et financée par MSD8Abramowitz L, et al. (2018). Epidemiological and economic burden of potentially HPV-related cancers in France. PLoSONE 13(9): e0202564., fabricant du Gardasil®️ et avec la participation de plusieurs de ses employés et de la société de conseil Stève Consulting (c).
Par ailleurs, si la HAS estime que la présence d’HPV est «nécessaire mais pas suffisante» pour provoquer les cancer du col de l’utérus, pour les autres cancers le rôle des HPV est beaucoup plus flou car ils sont présents dans une proportion variable des cancers selon les études, mais généralement bien plus faible que la proportion retrouvée pour les cancers du col de l’utérus. L’on peut dès lors estimer que leur présence n’est ni nécessaire, ni suffisante et qu’ils ne constituent qu’un facteur de risque parmi d’autres. Leur fréquence a été évaluée dans un rapport de l’IARC (d).
L’aspect péjoratif de l’infection par le HPV n’est pas toujours présent puisque dans le cas des cancers de l’oropharynx, ceux pour lesquels le HPV est retrouvé sont considérés comme étant de meilleur pronostic (e).
Notons aussi que, alors que les économies envisagées dans l’«appel des 50» demeurent tout à fait hypothétiques, pour vacciner universellement filles et garçons selon les recommandations actuelles avec un rattrapage effectué sur deux ans le seul coût hors taxes des vaccins représenterait 1,9 milliards d’euros pendant les deux premières années et 180 millions d’euros annuels en vitesse de croisière (f).
Et également, que comme le note la revue Prescrire9La revue Prescrire, Vaccin papillomavirus à 9 valences (Gardasil 9) et cancer du col de l’utérus. Tome 38 N°413, p 168., il n’a pas été démontré que le Gardasil®️ réduisait les lésions précancéreuses de haut grade des garçons et que cette efficacité demeure donc purement spéculative.
Enfin, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a émis en février 2016 un avis défavorable pour la vaccination des hommes, notamment en raison d’un mauvais rapport coût-bénéfice de cette vaccination et en estimant que «les condylomes ne constituent pas un problème de santé publique» et que «le cancer anal reste rare (incidence faible notamment chez les hommes hétérosexuels)»10Avis relatif aux recommandations vaccinales contre les infections à papillomavirus humains chez les hommes. HCSP, 19/02/2016, p 12..
Les affirmations des signataires de l’«appel des 50» s’avèrent donc tendancieuses et non fondées.
Sécurité des vaccins Gardasil
Il faut ajouter à ces incertitudes les problèmes liés à la sécurité de ce vaccin comme en témoigne le dernier rapport du comité de suivi de pharmacovigilance de 201511Réunion du Comité technique de Pharmacovigilance – CT012015103 Séance du mardi 17 novembre 2015. Par définition ces effets indésirables concerneront de très jeunes filles et, si la ministre de la Santé cède à la pression, de très jeunes garçons, l’âge de la vaccination ayant été constamment avancé au cours de ces dernières années.
Le jeune âge des vaccinées contraste avec l’âge moyen de diagnostic des cancers du col de l’utérus qui est en France de 51 ans. Notons que, parmi les cancers visés par l’appel des 50, le cancer du col est celui dont l’âge de diagnostic est le plus précoce puisque pour les autres cancers l’âge moyen du diagnostic s’échelonne de 62 à 71 ans ce qui repousse d’autant plus loin une éventuelle efficacité significative sur ces cancers (a).
D’autre part, une étude de qualité et indépendante faite par l’ANSM et l’Assurance Maladie en 2015 a bien montré un risque accru de syndromes de Guillain-Barré chez les jeunes filles vaccinées (g).
Bien que tous ces effets indésirables n’aient pas forcément de lien causal avec le vaccin ils ne représentent qu’une partie des effets indésirables observables, car la pharmacovigilance passive (notification spontanée) souffre d’une forte sous-notification qui fait que beaucoup d’effets indésirables ne sont pas déclarés.
Il faut noter également que la revue Prescrire, dans son numéro de mars 2018 indique que le pourcentage de réactions sévères locales est multiplié par deux avec le Gardasil 9®️ par rapport au Gardasil®️ passant de 2,7% à 4,5%9. A savoir qu’avec le Gardasil 9®️ on aurait une réaction locale sévère pour 20 jeunes filles vaccinées au lieu d’une pour 40 avec le Gardasil®️. Ceci n’est pas pris en compte dans les évaluations médico-économiques.
Conclusions
Notre propos est de montrer ici comment les intérêts privés, lorsqu’ils sont relayés par des personnalités et des organismes présentant des conflits d’intérêts peuvent orienter les politiques de santé vers des interventions non prioritaires au coût élevé, aux risques mal évalués et aux bénéfices incertains.
La vaccination anti-HPV est un cas d’école du «ghost management» (gestion fantôme) employé méthodiquement par les industriels : un management total, une gestion invisible, mais omniprésente, de tous les niveaux de la recherche, de la formation et de l’information médicales. Présentée à la suite de ce texte, l’analyse des conflits d’intérêts de l’«appel des 50» en est l’illustration parfaite.
Le cancer du col de l’utérus, comme d’autres cancers visés par l’«appel des 50», est un cancer qui est en régression constante depuis une quarantaine d’années au moins, notamment grâce au dépistage et à la réduction de la consommation d’alcool et de tabac pour ce qui concerne les cancers oropharyngés (h).
Le dépistage organisé par frottis est un moyen éprouvé de réduire à court terme le nombre de cancers du col utérin en ciblant directement les femmes les plus à risque et qui, contrairement au vaccin (f), n’induit pas de coût supplémentaire pour la collectivité5. Bien que sa mise en place ait été réclamée et promise depuis plus de 30 ans, elle vient seulement d’être annoncée en janvier 2019. Il est donc encore trop tôt pour que ses effets puissent être constatés.
Pour mieux évaluer ces effets, il doit être envisagé de noter le statut vaccinal des femmes faisant un frottis sur le bon afin de tenir un registre. Cela a été demandé sans succès par l’association Med’Ocean.
Il n’y a pas non plus de grande campagne nationale visant à favoriser l’utilisation du préservatif dont les bénéfices pour la réduction des contaminations par le HPV12Uyen Hoa Lam J., Condom use in prevention of Human Papillomavirus infections and cervical neoplasia: systematic review of longitudinal studies. Journal of medical screening. Volume 21, p 38-50, mars 2014. mais également pour l’ensemble des infections sexuellement transmissibles sont démontrés13Weller SC, Davis-Beaty K, L’utilisation de préservatifs réduit de manière systématique la transmission sexuelle de l’infection par le VIH. Cochrane, mars 2012..
La réduction du tabagisme, en cours actuellement, est un facteur favorisant une accélération de la baisse du nombre de lésions de haut grade et de cancers du col car le tabagisme multiplie par deux le risque pour ce type de pathologies14Roura E. Smoking as a major risk factor for cervical cancer and pre-cancer: Results form the EPIC cohort. IJC, Volume135, Issue215 July 2014 Pages 453-466..
Nous dénonçons donc l’«appel des 50», dont les signataires contreviennent à la loi en ne prenant pas en charge leur déclaration personnelle de conflits d’intérêt.
Nous espérons que cette fois, contrairement à ce qui fut le cas en 2007, la ministre des Solidarités et de la Santé, qui a désormais le pouvoir d’introduire de nouvelles obligations vaccinales, sera en mesure de résister à une «pression médiatique» qui n’a rien de spontané.
Pour tous ces motifs, non exhaustifs, et en raison des très fortes incertitudes qui persistent sur ce vaccin, au contraire des signataires de l’«appel des 50», nous, médecins et pharmaciens indépendants de l’industrie pharmaceutique, considérons qu’un moratoire sur ces vaccins est nécessaire.
Et pour qu’enfin, en toute transparence, les médecins et les patients puissent se déterminer sur la réelle balance bénéfice/risque de la vaccination anti HPV, nous demandons une commission d’enquête parlementaire
Les 15 signataires
- Jean-Baptiste Blanc,
- Rémy Boussageon,
- Philippe De Chazournes,
- Sylvie Erpeldinger,
- Sylvain Fèvre,
- Marie Flori,
- Marc Gourmelon,
- Jean-Claude Grange,
- Christian Lehmann,
- Claudina Michal-Teitelbaum,
- Joël Pélerin,
- Armel Sevestre,
- Bertrand Stalnikiewicz,
- Amine Umlil,
- Martin Winckler
Déclarent ne pas recevoir la visite médicale et n’avoir aucun conflits d’intérêts en ce qui concerne les vaccins anti-HPV ou avec toute entreprise du domaine de la santé
Présentation détaillée des signataires
Voir aussi :
Vaccination universelle contre le papillomavirus : version courte
Vaccination universelle contre le papillomavirus : conflits d’intérêts (2)
Version pdf : ici
Notes
Note a
Dans son rapport publié le 27 mars 2007, un mois après l’annonce du remboursement du vaccin par Xavier Bertrand, ministre de la Santé, le groupe de travail du Comité technique de vaccination contre le papillomavirus rendait compte de l’évaluation médico-économique et arrivait à cette conclusion:
p 70 «Au total, l’analyse coût/efficacité montre que la priorité devrait être donnée à l’organisation du dépistage du cancer du col de l’utérus […]»
En effet, le nombre de cas et l’incidence du cancer du col de l’utérus 11ème cancer de la femme par l’incidence en France à cette époque, étaient en diminution rapide et constante depuis 25 ans. Cette diminution étant attribuée principalement à l’efficacité du dépistage. On peut le constater dans le rapport sur l’«Estimation nationale de l’incidence et de mortalité par cancer en France entre 1980 et 2012» où l’on trouve les tableaux suivants qui montrent qu’en 25 ans, entre 1980 et 2005, le taux d’incidence standardisé monde du cancer du col de l’utérus avait diminué de 51,3% et la mortalité de 58,0%. La modélisation, lorsqu’elle prend comme référence le dépistage organisé, attribue au vaccin la capacité de réduire l’incidence d’environ 20% 70 ans après le début de la vaccination.
D’autre part, d’après la modélisation française, pour qu’un effet du vaccin puisse être observé en fin de compte, il fallait à la fois attendre plusieurs décennies ET que plusieurs hypothèses favorables au vaccin soient totalement vérifiées. Le modèle évaluait l’apport du vaccin sur 70 ans, cet apport étant faible au départ et augmentant théoriquement avec le temps.
Mais si l’une seule des hypothèses suivantes n’était pas ou seulement partiellement vérifiée, l’efficacité du vaccin s’en trouverait repoussée ou annulée.
Voici les hypothèses prises en considération.
p 61
- « les HPV 16 et 18 sont responsables de 75 % des cancers du col ;
- l’efficacité du vaccin contre ces génotypes de HPV est de 95 % ;
- il n’y a pas de perte d’immunité au cours du temps avec trois doses (il n’y a donc pas de rappels) ;
- trois taux de couverture vaccinale sont envisagés : 30 %, 60 % et 80 %.
- Toutes les personnes vaccinées reçoivent les trois doses de vaccin ;
- l’âge à la vaccination est fixé à 14 ans.
- Une stratégie de rattrapage jusqu’à 26 ans est envisagée pour les femmes n’ayant pas initié leur vie sexuelle.»
L’impact de la vaccination sur les cas de cancer ne commencerait à apparaître que après une trentaine d’années au moins et resterait modeste, notamment dans le scénario où la vaccination aurait lieu en même temps que la généralisation du dépistage organisé du cancer du col de l’utérus à l’ensemble du territoire. Dans ce dernier cas, le dépistage aurait un impact plus précoce et plus important sur l’incidence des cancers que la vaccination.
p 63 «la mise en œuvre simultanée de ces 2 interventions permettrait :
- de limiter ou de prévenir l’augmentation, sur la période de 70 ans considérée, du nombre de lésions précancéreuses diagnostiquées (+8,6 % pour une couverture de 30 % à -13,4% pour une couverture de 80 %) ;
- de réduire l’incidence du cancer du col et la mortalité due à ce cancer au-delà de l’effet propre de chaque intervention mise en œuvre isolément : pour une couverture vaccinale de 80 %, des réductions de 34,3 % et 32,2 % par rapport à la situation actuelle sont attendues de la mise en œuvre des 2 interventions, concernant respectivement l’incidence et la mortalité ; cette réduction de 34,3 % de l’incidence du cancer est plus de 2 fois supérieure à celle attendue de la mise en œuvre de la seule organisation du dépistage (16,1 %) ;
- l’adjonction de la vaccination avec une couverture vaccinale de 80 % permet une réduction supplémentaire [sur 70 ans], par rapport à celle obtenue par la seule organisation du dépistage, de 21,7 % et 15,8 % respectivement pour l’incidence et la mortalité liée au cancer du col ;»
Pourquoi prendre en considération des délais si prolongés pour les modélisations, comme, par exemple, 70 ans dans la modélisation française?
Ce qui distingue ce vaccin de tous les autres, et pose des questions éthiques c’est le très important décalage temporel entre l’âge de la vaccination et l’âge auquel les bénéfices sur le cancer, c’est à dire les seuls bénéfices du vaccin qui peuvent légitimer la vaccination, sont espérés.
Ce qui le distingue aussi c’est qu’en l’absence de preuves d’efficacité sur ce critère et en raison de ce décalage temporel très important il nous est demandé d’attendre plusieurs décennies pour savoir s’il existe une efficacité. Paradoxalement cette efficacité ne pourra jamais être réellement démontrée par des études uniquement observationnelles qui sont d’un niveau de preuve très faible et peuvent être affectées par l’ensemble des facteurs divers pouvant affecter l’évolution de l’incidence et de la mortalité par cancer du col de l’utérus.
Car il faut comprendre que même dans l’hypothèse extrême et irréaliste d’une efficacité à 100% sur tous les types de HPV y compris ceux qui ne sont pas présents dans les vaccins, compte tenu de l’épidémiologie du cancer du col de l’utérus pour lequel l’âge moyen de diagnostic est de 51 ans et l’ âge moyen de décès de 64 ans, il serait nécessaire d’attendre très longtemps pour que des bénéfices éventuels deviennent visibles à une échelle de santé publique.
Pendant cette très longue période beaucoup de facteurs sont susceptibles d’avoir une influence sur l’incidence du cancer du col, la plupart étant indépendants du vaccin. Il sera donc très difficile de discerner la part attribuable au vaccin de la part attribuable à d’autres facteurs.
Le tableau suivant montre quels bénéfices on pourrait attendre du seul vaccin en fonction du temps écoulé depuis le début de la vaccination systématique et dans des hypothèses extrêmes. Quand nous disons du “seul vaccin« cela suppose que tous les autres facteurs pouvant influencer l’incidence du cancer du col de l’utérus restent inchangés, ce qui ne se vérifiera jamais dans la réalité.
Les hypothèses, purement théoriques et pour les besoins de la démonstration, sont, aux deux extrêmes, absence de bénéfice ou bénéfice de 100% sur l’ensemble des cancers du col de l’utérus. Les facteurs réputés ne pas être modifiés sont la composition de la population par âge, le niveau socio-économique de la population, le dépistage, le tabagisme, utilisation de médicaments immunosuppresseurs et tout ce qui concerne les comportements sexuels (âge de début de la sexualité, nombre de partenaires, utilisation des préservatifs). Tous les facteurs évoluant d’une manière favorable à une réduction de l’incidence et de la mortalité par cancer du col amoindriront un éventuel effet bénéfique attribuable au vaccin et donc son utilité.
D’autres facteurs, propres au vaccin ou à la vaccination, peuvent modifier l’efficacité et l’utilité du vaccin: perte d’efficacité vaccinale avec le temps, remplacement des souches vaccinales par d’autres souches déjà oncogènes ou acquérant un pouvoir oncogène, remplacement par d’autres agents infectieux tout aussi pathogènes…
Lecture du tableau. Dans l’hypothèse où l’ensemble des facteurs affectant l’incidence du cancer du col de l’utérus restent inchangés et d’une efficacité parfaite du vaccin sur 100% des cancers du col de l’utérus et pour une vaccination de 100% des jeunes filles de 12 ans nées en 2000, débutant en 2012, on aurait, 28 ans plus tard, c’est à dire en 2040, quand ces premières jeunes filles vaccinées auraient atteint l’âge de 40 ans, une réduction des cas de cancer du col de l’utérus attribuable au vaccin de 18% au maximum, et une réduction de la mortalité de 1% au maximum. Mais l’hypothèse d’une absence totale d’efficacité ou d’utilité du vaccin est tout aussi probable car quantité de facteurs, à la fois des facteurs propres au vaccin et des facteurs indépendants du vaccin, peuvent intervenir pour amoindrir le rôle du vaccin dans la réduction du pourcentage et du nombre de cas.
Entre 2012 et 2040 environ 11 millions de jeunes filles auraient été vaccinées et les coûts, environ 2,5 milliards d’euros pour la seule vaccination des jeunes filles de 12 ans ainsi que les effets indésirables se seraient accumulés.
Pour les autres cancers liés aux HPV le lien de l’incidence et de la mortalité avec l’infection par le HPV apparaît moins clair et les âges moyens de survenue et de décès sont plus tardifs. Ce qui signifie que l’efficacité maximale hypothétique serait à la fois moindre que celle envisagée pour le cancer du col de l’utérus et apparaîtrait plus tardivement par rapport au moment de l’initiation de la vaccination.
Note b
Le fait que le vaccin n’ait jamais montré, au cours d’essais cliniques randomisés contrôlés, d’efficacité pour réduire l’incidence des cancers du col de l’utérus et qu’on ait accepté de substituer à ce critère l’efficacité sur les lésions précancéreuses est évacué en une seule phrase dans l’EPAR du Gardasil® publié sur le site de l’Agence européenne du médicament. p7: «CIN3 and AIS have been accepted as immediate precursors of invasive cervical cancer.»
Note c
Stève consulting est une société lyonnaise spécialisée dans la conception d’études destinées à faciliter l’accès des médicaments aux marchés dont les clients sont les laboratoires pharmaceutiques. Stève consulting s’est déjà illustrée en fournissant à plusieurs Etats européens des modélisations médico-économiques favorables au vaccin quadrivalent. Il en a été ainsi de l’Allemagne, de la Belgique, de la Grande-Bretagne, et de l’Italie. Il n’y a eu, à cette époque, que deux modélisations médico-économiques indépendantes, la modélisation française et la modélisation faite en Autriche à la demande de la ministre de la Santé, qui concluait qu’avec un vaccin efficace à 100% et une protection à vie en vaccinant toutes les filles de 12 ans, il aurait fallu attendre 52 ans pour observer une réduction de 10% du nombre de cas.
Note d
«Les cancers attribuables au mode de vie et à l’environnement en France» CIRC, Lyon 2018 p91
Note e
https://link.springer.com/content/pdf/10.1007%2Fs00103-018-2791-2.pdf
«It has been observed that patients with HPV-positive oropharyngeal carcinoma have markedly longer survival times than those with HPV-negative tumours [44– 46]. The risk of mortality for patients with HPV-positive oropharyngeal carcinoma is 58% lower than that of patients with an HPV-negative tumour [47].»
Note f
Les signataires de l’«appel des 50» évoquent des économies de 500 millions d’euros qui demeurent purement hypothétiques. En revanche le coût d’une vaccination offerte gratuitement par l’Etat est bien réel. Au prix actuel du Gardasil 9® hors taxes, soit 113 euros la dose il en coûterait pour vacciner 100% des garçons et des filles à partir de 11 ans avec un rattrapage jusqu’à 19 ans, deux doses jusqu’à 14 ans et trois doses à partir de 15 ans selon les recommandations 1,9 milliards pendants les deux premières années puis 180 millions d’euros annuels en vaccination de routine. Une bonne opération pour Merck, dont les recettes des ventes mondiales pour le Gardasil® en 2018 dépassent 3 milliards d’euros en augmentation de 37% par rapport à 2017, mais beaucoup moins bonne pour les finances publiques et la collectivité.
Note g
Umlil A, Complément de réponse aux « 50 sociétés savantes ». Vaccin « GARDASIL® » : des effets indésirables enregistrés.
«Concernant le syndrome de Guillain-Barré, une étude française estime le nombre de cas à environ 1 à 2 cas par an pour 100 000 filles vaccinées. Le lien de causalité semble plausible. Certaines patientes ont été mises sous nutrition entérale ou parentérale voire sous ventilation mécanique assistée. De façon générale, le risque serait 4 fois plus grand après vaccination. Ce risque inhérent à cette affection grave, parfois mortelle, pourrait peser dans la décision thérapeutique. C’est ainsi que la revue indépendante Prescrire considère que ” Dans l’étude française, le vaccin a été associé à un surcroît d’environ 1 à 2 cas pour 100 000 filles vaccinées. Autrement dit, dans l’hypothèse où chaque année les 400 000 jeunes filles concernées par la vaccination choisiraient d’être vaccinées, il y aurait de ce fait chaque année 4 à 8 jeunes filles de plus atteintes de syndrome de Guillain-Barré du fait du vaccin, avec une mort tous les 2 ans à 3 ans. Chaque année, 1 ou 2 femmes resteraient handicapées de façon durable”.»
Note h
«Estimation nationale de l’incidence et de la mortalité des cancers en France 1990-2018». INVS, 15/03/2019
Présentation détaillée des signataires du contre-appel
Modèle : Nom
- Fonction(s)
- Conflits d’intérêts avec les producteurs de vaccins anti-HPV / autres liens ou conflits d’intérêts
- tribune libre
Jean-Baptiste Blanc
- Médecin généraliste
- Aucun / aucun
- Blog: Chroniques d’un jeune médecin quinquagénaire, Twitter: @Dr_JB_Blanc
Rémy Boussageon
- Médecin généraliste, Professeur des universités, Lyon 1, Habilité à diriger des recherches, Docteur en philosophie
- Un repas (45 euros) en 2014 (MSD) / aucun
Philippe De Chazournes
- Médecin généraliste à St Denis de la Réunion, Président de Med’Ocean, ex correspondant de la HAS, Président de la FMF Réunion
- Aucun / aucun
- Médecin de terrain, expert du doute, adepte de la démarche qualité et de la balance bénéfice/risque. Fort lien d’intérêt avec mes patients, ce qui me permet d’espérer gagner leur confiance; raison pour laquelle, j’ai toujours refusé la ROSP (Rémunération sur Objectifs de Santé Publique).La vaccination anti-HPV? Un véritable combat pour faire éclater la vérité en ce qui concerne cette vaccination Gardasil® , depuis… novembre 2006, date à laquelle il nous avait été présenté avec grands renforts médiatiques et de leaders d’opinion, que les jeunes filles de la Réunion avaient la grande chances de pouvoir se faire vacciner avant celles de Metropole, ce qui occasionna cette première vidéo
- Site: Med’Océan, Twitter: @Medocean974
Sylvie Erpeldinger
- Médecin Généraliste
- Aucun/aucun
Sylvain Fèvre
- Médecin généraliste
- Aucun / aucun
- Blog: ASK, Twitter: @SylvainASK
Marie Flori
- Médecin généraliste, Professeur des universités, Lyon 1
- Aucun / aucun
Marc Gourmelon
- Médecin généraliste
- Aucun / aucun
- Twitter: @mgourmelon
Jean-Claude Grange
- Médecin généraliste (Mantes-La-Jolie)
- Aucun / aucun
- Blog: De la médecine générale, seulement de la médecine générale, Twitter: @docdu16
Christian Lehmann
- Médecin généraliste, écrivain
- Aucun / aucun
- Blog: En attendant H5N1, Twitter: @LehmannDrC
Claudina Michal-Teitelbaum
- Médecin généraliste
- Aucun / buffets offerts par le laboratoire H.A.C. dans le cadre d’une formation en hôpital en novembre 2016 et en novembre 2017, pour une valeur totale de 78 euros.
- Twitter: @MartinFierro769
Joël Pélerin
- Médecin généraliste, Docteur ingénieur chimiste, Membre de l’Association Med’Océan
- Aucun / part de gâteau d’anniversaire et de jus de fruit le 02/09/2016 dans le cadre d’un rassemblement d’enfants nés par FIV / J’ai participé au groupe de travail de la Haute Autorité de santé sur le frottis cervico-vaginal, rapport publié en 2010.
Armel Sevestre
- Médecin généraliste, enseignant maître de stage à la faculté de Rennes
- Aucun / un buffet (13 euros) en 2014 auquel je n’ai pu échapper, le laboratoire étant, à ma surprise, co-organisateur d’une réunion de travail de soins palliatifs
Bertrand Stalnikiewicz
- Médecin généraliste, chargé d’enseignement à la faculté de médecine de Lille
- Aucun / aucun. Lien d’intérêt indirect : trésorier de l’association CNGE Conseil qui reçoit, entre autre, des financements de l’industrie pharmaceutique
- Blog: dr.niide.over-blog.com, Twitter: @docteurniide
Amine Umlil
- Pharmacien des hôpitaux, praticien hospitalier, Responsable de l’unité de pharmacovigilance / coordination des vigilances sanitaires/ CTIAP (centre territorial d’information indépendante et d’avis pharmaceutiques), Centre hospitalier de Cholet (49325). (Maine-et-Loire)
- Aucun / aucun
- Site: CTIAP, Twitter: @amine_umlil
Martin Winckler
- Médecin généraliste, Éthicien
- Aucun / aucun
- Blog littéraire : «Cavalier des touches», Blog médical : «L’école des soignant.e.s», Twitter: @MartinWinckler
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