Article adapté d’un thread Twitter – en savoir plus
Le médicament le plus cher du monde le Zolgensma (onasemnogene abeparvovec-xioi) de Novartis, 1,86 million d’euros (2,1 millions $), destiné à traiter l’amyotrophie spinale proximale, maladie génétique, a été mis au point grâce aux généreux donateurs français par les chercheurs du Généthon.
Le “Canard” reprend une information donnée par l’Express. Le Généthon a vendu son brevet 15 millions d’euros à une start-up américaine basée à Chicago AveXis qui a levé 500 millions de dollars apportés par les investisseurs et a été rachetée 8,7 milliards de dollars par la multinationale pharmaceutique suisse Novartis.
Une telle opération est-elle inédite? Exceptionnelle?
Non. C’est simplement le cours normal des choses dans le cadre du nouveau modèle de développement des Big Pharma, à savoir le rachat de petites biotech pour assurer le renouvellement de leur gamme de produits. Petites biotechs qui elles-mêmes rachètent souvent des produits prometteurs dont les premières phases de développement ont été assurées grâce à de l’argent public. La seule nouveauté ici est le record atteint par le prix de ce médicament et le financement partiel par des dons et non uniquement par des subventions publiques.
Le laboratoire Novartis prévoit 2 milliards de dollars de revenus par an et se défend en expliquant que ce médicament, qui doit a priori être donné une seule fois, reviendrait moins cher que son concurrent, le Spiranza de Biogen qui était au prix, déjà très élevé, de 270 000 euros annuels.
Ainsi les prix exorbitants justifient des prix encore plus exorbitants. Mais le Zolgensma est-il le traitement parachute qui va sauver la vie des nourrissons atteints d’amytrophie spinale proximale?
Nous n’en savons rien. En effet, la FDA (Food and Drug Administration) a approuvé ce médicament sur la base de 2 études de phase 1 (cf explication sur les phases des essais cliniques ci-dessous), l’une sur 15 patients âgés au plus de 6 mois, terminée le 10 mai et une autre sur 27 patients âgés de 6 mois à 5 ans, en cours.
Ces études n’ont naturellement pas de bras contrôle, donc pas de comparateur. Et l’étude de phase 1 achevée, qui porte sur la forme la plus grave d’amyotrophie a des critères d’exclusion draconiens, ce qui veut dire que la population de 15 enfants de l’étude n’est pas représentative de l’ensemble des enfants souffrant de cette pathologie.
Disons, pour résumer, que les malades doivent être en aussi bonne santé que possible pour pouvoir accéder à l’étude.
De plus, les effets indésirables graves ont concerné 13 enfants sur 15.
Dans une autre étude en cours portant sur l’amyotrophie de type 1 également, deux patients sont morts malgré des critères d’exclusion, là aussi, draconiens. Pour l’un des deux le décès pourrait être dû au traitement.
Cela pose question puisque, donc, cette thérapie ne s’applique pas à tous les patients, provoque des effets indésirables graves, peut-être mortels, et on ne connaît pas l’évolution à moyen terme en raison de la précipitation à accorder à Novartis le droit de la commercialiser. Malgré ces éléments et l’absence de preuve d’efficacité à moyen et long terme le prix obtenu atteint des sommets inégalés.
D’autant plus que Novartis, fidèle à une tactique bien rodée de maximisation des profits, celle du “salami”, essaye d’étendre au maximum la population à traiter. Cela peut-être assimilé à un comportement frauduleux, bien que non soumis à des sanctions, car la procédure accélérée a été octroyée par les agences de régulation au Zolgensma au titre de traitement destiné à une maladie orpheline, à savoir que ce traitement ne devrait être autorisé que pour un tout petit nombre de patients. Pourtant, les agences de régulation l’EMA (European Medicines Agency) et la FDA (Food and Drug Administration) se sont montrées déjà très très complaisantes quant à ses demandes d’AMM (autorisation de mise sur le marché) medicineslawandpolicy.org/wp-content/upl…
Tous les moyens utilisés par les Pharmas pour faire monter les enchères sont par ailleurs très bien connus par ceux qui s’intéressent à ces sujets: capture du régulateur, pseudo-associations de patients, et journalistes à leur solde, fabrication de KOL1Key opinions leaders ou leaders d’opinions qui, tout en ayant des relations très étroites et rémunérées avec les firmes pharmaceutiques, sont considérés comme des experts indépendants et auxquels la majorité des médecins se réfèrent pour savoir quoi penser sur des sujets médicaux qu’ils ne maîtrisent pas, cf article EBM dans Fondamentaux.
En France, quand un particulier achète un bien immobilier et qu’il en tire une plus-value, il est taxé. C’est un moyen de limiter la spéculation. Qu’est-ce qui justifie que lorsqu’il s’agit de santé les Pharmas soient totalement libres de spéculer sur le dos de la collectivité?
POST SCRIPTUM DE NOVEMBRE 2020
Bien qu’une manipulation des données des essais pré-cliniques menés par AveXis ait été dénoncée par un donneur d’alerte, la FDA, après avoir menacé Novartis, n’a pas donné suite et n’a pas sanctionné la firme pharmaceutique.
https://www.fiercepharma.com/pharma/fda-lets-novartis-off-hook-zolgensma-data-manipulation
Twitter est un réseau social qui permet à l’utilisateur d’envoyer des messages courts (tweets) n’excédant pas 280 caractères (ce qui explique l’emploi fréquent d’abréviations). Un thread Twitter est une série de tweets qui se succèdent, émis par un même auteur pour former un contenu plus long. L’auteur peut d’ailleurs numéroter chaque tweet pour les ordonner. Cet article est une reprise sous format blog d’un thread Twitter dont voici l’origine :