Les activistes du Covid Long
Un nouveau sport tendance
Imaginons que vous soyez passionné par un nouveau sport, le Covid-ball. Les règles de ce sport ne sont pas encore très bien définies et chacun, localement, a ses propres idées sur la manière d’y jouer. Malgré tout, des clubs existent et ces clubs distribuent des licences aux joueurs.
On ne sait pas vraiment combien d’adeptes du Covid-ball jouent dans des clubs, mais comme vous êtes passionné par ce sport vous êtes persuadé qu’ils sont très nombreux. Vous lancez alors une enquête en ligne pour montrer que votre sport favori a beaucoup d’adeptes.
Ne sachant pas bien comment définir votre sport ou ses règles, vous demandez simplement à tous ceux qui veulent bien répondre s’ils jouent ou non à un sport avec un ballon. Vous omettez aussi de demander aux répondants s’ils ont ou non une licence, car vous pensez que tous ceux qui jouent au Covid-ball doivent être comptabilisés pour montrer aux yeux du monde que le Covid-ball est un sport très populaire.
Le risque
En fait, ce qui risque de se passer est que les personnes qui jouent un sport avec un ballon ont plus de chances d’être intéressées par votre enquête et de vous répondre. C’est ce qu’on appelle un biais de sélection (les personnes ne jouant pas au ballon auront moins tendance à répondre). Par votre manière de procéder vous avez déjà sélectionné, parmi les répondants, ceux qui jouent avec un ballon. Dans votre échantillon de répondants ceux-ci seront plus représentés que dans la population générale.
La deuxième chose qui risque de se passer est que comme votre question est très floue (“Jouez-vous à un sport avec un ballon?”), vous aurez parmi les répondants beaucoup de personnes jouant au football, au hand-ball ou à tout autre sport qui se joue avec un ballon.
Alors, vous annoncerez triomphalement que, avec votre enquête, vous avez réussi à démontrer qu’il y avait un véritable engouement dans la population pour le Covid-ball et que la proportion de licenciés était incroyablement élevée. Mais, personne, parmi ceux qui auraient été attentifs à votre manière de procéder (la méthodologie), ne devrait vous croire.
Et pourtant lorsque des activistes ont procédé de cette manière pour démontrer que le Covid Long (CL) était un phénomène très fréquent, beaucoup, y compris parmi les scientifiques, ont pris leurs affirmations pour argent comptant.
Covid Long des adultes
Les origines en Amérique du Nord
Un mouvement qui a son origine en Amérique du Nord, dans une association d’activistes
On conviendra que, s’il est tout à fait légitime que des patients alertent au sujet de leurs symptômes, se réunissent pour faire du lobbying et cherchent à attirer l’attention sur leur condition, il est moins légitime que ces mêmes patients prétendent définir seuls ce qu’est leur maladie et s’auto-diagnostiquer.
On imagine mal un patient arrivant chez un médecin et disant : « Je suis sûr que j’ai un cancer, j’ai fait mon propre diagnostic et je pense qu’il faudra me faire tel et tel examen ».
C’est pourtant un peu comme-ça que les groupes d’activistes qui se sont emparés du Covid Long l’ont envisagé.
C’est ce qu’expliquait un article publié dans le Wall Street Journal paru en mars 2021 sous la plume de Jeremy Devine, psychiatre à l’université de Mc Master dans l’Ontario qui, brisant un tabou déjà établi, mettait en cause la manière dont ce syndrome avait été poussé sur le devant de la scène en Amérique du Nord.
Jeremy Devine expliquait qu’une organisation féministe canadienne appelée Body Politic avait, dès mars 2020, créé un groupe de soutien pour les victimes du Covid. Dès le mois de mai 2020 ce groupe avait produit son premier rapport sur le Covid Long sur la base d’une enquête en ligne. Le présupposé de ce groupe, dès le départ, donc en mai 2020, était que le Covid Long était une maladie invalidante et chronique mais délaissée par les pouvoirs publics. En fait Body Politic s’est emparé du Covid Long comme d’un moyen de mettre en avant des revendications concernant les droits de la femme, supposés bafoués dans le cadre du Covid Long et celui de patients présentant d’autres syndromes, longtemps négligés.
Leur idée était donc que tout patient se revendiquant du Covid Long devait être pris en charge en tant que tel. Et que, le Covid Long étant une maladie chronique, chaque patient pouvait revendiquer d’entrer dans le cadre des affections longue durée ou devait finir par être considéré comme invalide.
Body Politic a donc lancé entre le 21 mars et le 2 mai 2020 une enquête en ligne dont les 640 répondants furent essentiellement des membres et sympathisants de l’organisation.
L’enquête incluait des patients ayant éprouvé n’importe quel symptôme s’étant prolongé de deux semaines ou même moins, après un épisode dont ils pensaient que cela pouvait être un Covid. 23,1% de ces sujets rapportaient avoir eu un test positif. Pour les autres le test était négatif ou ils ne s’étaient pas fait tester. 70% des répondants avaient plus de 40 ans et 76,5% étaient des femmes. 4,4% des patients avaient été hospitalisés, et 62 symptômes ont été répertoriés.
A aucun moment les auteurs de l’étude, les membres de Body Politic, n’envisagent que les répondants puissent ne pas avoir eu le Covid ou que le Covid puisse ne pas être la cause de chacun des symptômes évoqués. Pour eux c’est un postulat. Car dire le contraire relèverait d’une intolérable stigmatisation, celle-là même qu’ils reprochent aux soignants vis-à-vis de leurs membres et sympathisants.
Une autre étude du même type a été publiée dans The Lancet, malgré l’absence évidente de méthodologie et de cohérence dans la démarche et les conclusions, témoignant d’une certaine complaisance de la communauté scientifique envers ce mouvement. Les membres d’associations revendiquaient cette fois 203 symptômes comme étant liés au Covid . Un Covid supposé puisque, encore une fois, non confirmé dans la majorité des cas.
Réseaux sociaux en France
En France un mouvement qui a pris son essor sur les réseaux sociaux et grâce aux témoignages dans les médias
En France c’est surtout sur les réseaux sociaux, Facebook et Twitter que se sont constituées d’abord des communautés de patients. Convaincus de souffrir d’un Covid Long, ceux-ci échangent témoignages, encouragements et adresses de médecins « sensibilisés » au Covid Long. Sur Twitter sont apparus les hashtags #apresj20, #apresj60, etc.
Les patients énumèrent là-aussi une multiplicité de symptômes, très souvent fortement invalidants, se décrivent souvent comme épuisés et endoloris. Les symptômes subjectifs pouvant être d’origine aussi bien neurologique que psychologique ou organique sont fréquemment mis au premier plan : difficultés de concentration, perte de mémoire, sensation de faiblesse musculaire, essoufflement…
Les médias, friands de ce type de contenu qui attire les lecteurs, abordent souvent le sujet sous l’angle du témoignage, mettant en avant l’aspect sensationnel. Les communautés Covid Long sur les réseaux sociaux sont une solution facile pour trouver des personnes prêtes à témoigner.
Dès octobre 2020 se constitue l’association après J20 dont la définition du Covid Long et les revendications sont calquées sur celles de Body Politic.
Sur les médias des chiffres fusent; 30%, 80% des personnes infectées par le SARSCoV2 seraient atteintes de Covid Long.
Les médias assimilent souvent le Covid Long à une pathologie chronique invalidante puisque leur principal regard sur cette pathologie passe par les témoignages de patients affilés à de groupes de pression. Les journalistes ne font souvent pas la différence entre les études sur les patients hospitalisés et les études en population générale, ce qui, combiné à la vision sensationnaliste des symptômes attribués au Covid Long, donne une vision cataclysmique des conséquences du Covid.
Comment comprendre ce mouvement qui façonne ainsi, par médias interposés, la représentation que la communauté scientifique, les médias et les politiques se font des conséquences du Covid ?
Sens du mouvement Covid Long
Dans un article de son blog sur Médiapart, un pédopsychiatre tente de décrypter ce qui se joue dans ce mouvement.
Il est frappé par l’aspect extrêmement virulent voire quérulent des revendications, inhabituel pour les associations de patients. La notion de préjudice subi est extrêmement présente dans le discours du mouvement.
En fait les groupes de patients revendiquent non seulement de définir leur pathologie, mais aussi sa prise en charge et l’orientation des recherches à mener sur le sujet. L’auteur de l’article remarque la dépolitisation de la maladie car celle-ci, pour les activistes, ne saurait être liée à l’environnement socio-économique. Et, dans le même temps, ils revendiquent une origine forcément et exclusivement organique. Celle-ci se fait sur un mode qui est, lui, très politique, au sens où les activistes se revendiquent comme représentants des patients et cherchent à orienter les décisions politiques par le biais du lobbying.
Le mouvement pour la reconnaissance du Covid Long est ainsi un mouvement très « moderne » car il est individualiste, l’individu étant vu comme une entité isolée. Il naturalise aussi la souffrance en la coupant de son contexte. La souffrance ne peut avoir qu’une origine organique et ne peut être due à des causes sociales ou contextuelles. Il est aussi une traduction de l’idéologie libérale, qui veut que chacun soit responsable de lui-même : des problèmes individuels appellent des solutions techniques et individuelles. La dimension potentiellement sociale et politique de la souffrance est ainsi gommée au profit d’une représentation strictement biologique et technique de l’individu.
Ainsi, tout se passe comme si les patients de ces groupes avaient intégré qu’il n’y a de reconnaissance possible de la souffrance que en tant que pathologie organique à traiter. Ce qui est, probablement, une réalité de plus en plus prégnante.
De leur point de vue, ne pas accepter en bloc l’ensemble de leurs idées et revendications est assimilé à nier leur souffrance, jetant ainsi l’opprobre sur ceux qui s’y risqueraient. Ceux-ci sont vus comme manquant forcément d’empathie. Ce qui génère, de fait, une sorte de tabou interdisant toute tentative d’analyse critique ou scientifique du Covid Long.
Les revendications
Rien n’est négociable, même quand les connaissances évoluent
Les revendications sont invariables et les mêmes des deux côtés de l’Atlantique.
Ainsi les symptômes ressentis et décrits par les patients ne peuvent avoir qu’une origine organique et être en rapport avec une infection par le SARSCoV2. Leur hétérogénéité et leur multiplicité ne s’expliquerait que par l’atteinte de multiples organes par le virus. Les symptômes d’allure psychique auraient donc pour origine une atteinte cérébrale consécutive à l’infection. Le déni d’une origine ou même d’une quelconque intrication avec des phénomènes de nature psychologique, générés par exemple par l’histoire personnelle des patients ou par leur environnement, est constant.
Toute évocation d’une contribution d’éléments de nature psychologique est réfutée avec force car assimilée à un déni de la souffrance et à une stigmatisation des patients.
A cet égard il faut reconnaître que de manière générale, les médecins se trouvent souvent dépourvus face à l’expression de la souffrance des patients. Manquant à la fois de formation et de temps et devant leur propre sentiment d’impuissance, ils ont tendance à répondre aux patients qui se plaignent par un laconique : « C’est dans la tête ». Ce qui est perçu par les patients, à raison, comme une forme de disqualification de la souffrance.
Ce qui est vrai également est qu’on ne peut tirer de cette attitude malencontreuse et blessante, des médecins ou soignants, la conclusion que cela ne pourrait en aucun cas « être dans la tête ».
Dans ce contexte, la première revendication des associations de patients est de ne pas mette en doute l’autodiagnostic du patient, ni de limite à la définition du Covid Long. A savoir que si un patient souffre de symptômes qu’il attribue au Covid Long, indépendamment du fait qu’il ait été symptomatique ou ait eu un test PCR ou antigénique positif, il devrait être reconnu et pris en charge en tant que Covid Long.
L’on comprend bien les problèmes que cela pose, car à tout moment, bien des patients déclenchent des symptômes d’origines très diverses pour lesquels on n’identifie pas toujours une cause. On estime que, en médecine générale, les motifs de consultation en soins primaires intriqués avec des facteurs psychosomatiques seraient majoritaires.
Si le concept de pathologie psychosomatique laisse encore place à l’interprétation, il suppose l’intrication des plaintes du patient et même de phénomènes organiques ou objectivables avec des facteurs psychologiques. Il peut s’agir, par exemple, d’une hypersensibilité à la douleur favorisée par une focalisation anxieuse, mais aussi d’un ulcère provoqué par le stress.
Si les médecins généralistes y sont souvent confrontés, c’est aussi parce que les patients dont les pathologies sont intriquées avec des facteurs psychologiques sont aussi plus demandeurs de soins .
Dans le cas des patients se réclamant du Covid Long, dès lors qu’il n’y a aucun élément chronologique ou objectif comme un test PCR pour limiter ou objectiver l’existence d’une infection par le SARSCoV2, la seule chose qui va définir l’entrée de ces patients dans le champ de cette pathologie c’est leur volonté de se revendiquer en tant que tels.
Parmi les principales revendications des associations de patients, on trouve aussi l’organisation de parcours de soins dédiés et spécifiques, pour une pathologie qui, comme nous l’avons vu, n’a rien de spécifique. Mais aussi le financement d’une recherche orientée vers l’identification de causes organiques à leurs symptômes, et la reconnaissance en tant qu’affection longue durée du Covid Long qui ouvrirait droit, également, à la reconnaissance d’une invalidité.
Ces revendications ont été actées dans le cadre d’une résolution votée à l’unanimité par les députés le 17 février 2021 et portée par la députée Patricia Mirallés se disant elle-même atteinte du Covid Long. La résolution présentait le Covid Long tel que le présentent les associations de patients, comme un maladie chronique très invalidante due à une infection par le SARSCoV2 et reprenait, sans aucune réserve et à l’identique les revendications des patients.
Patricia Mirallés prononça devant l’Assemblée un discours poignant mais non exempt de conflits d’intérêts. Elle s’est exprimée en tant que député mais a mis en avant son cas personnel pour faire passer une résolution qu’elle avait corédigé avec une association de patients militant pour la reconnaissance du Covid Long. La mise en scène de son cas personnel lui permit d’obtenir un vote à l’unanimité de l’Assemblée.
Alliés objectifs
Soutiens financiers institutionnels
Ces méthodes agressives de lobbying ont permis d’obtenir des résultats aussi à l’étranger, puisque le directeur du NIH (National Institute of Health) américain, Francis Collins, s’est montré très sensible aux plaintes des associations de patients et que le congrès américain a alloué 1,15 milliard de dollars au titre de la recherche sur le Covid Long. Au Royaume Uni ce sont 50 millions d’euros qui ont été alloués pour la recherche. En France, seulement 3 millions ont été officiellement alloués et des journalistes se sont faits l’écho de la frustration des associations de patients. Qu’est-ce que 3 millions au regard du million de patients atteints de ces pathologies chroniques particulièrement invalidantes ?
Soutien des zerocoviders
Mais les associations de patients n’ont pas seulement réussi à attirer des fonds. Ils ont aussi réussi à éveiller l’intérêt d’une partie de la communauté scientifique. Celle qui s’est constituée en groupe de pression pour imposer le renforcement de mesures coercitives et leur maintien à long terme pour arriver à l’élimination complète du Covid. C’est la communauté de ceux qui se revendiquent du « Zéro Covid ».
Cette communauté est concrétisée par l’alliance Zerocovid, qui a tenu son congrès ou « Sommet virtuel pour l’action contre le Covid » du 26 au 28 janvier 2021 .
L’alliance ZéroCovid a été créée à l’initiative du New England Complex System Institute (NESCI), fondé et présidé par Yaneer Bar Yam, physicien et activiste américain. Cet institut est spécialisé dans l’analyse des systèmes complexes et la prédiction des comportements collectifs par la modélisation.
Yanee Bar Yam est et le NESCI sont aussi à l’origine de l’organisation EndCoronavirus.org qui prône explicitement une stratégie d’élimination du SARSCoV2 .
Selon les critères de Endcoronavirus.org, la France, avec une incidence à 43 cas pour 100 000 en cette mi-octobre, se trouve en 125ème position dans le monde et en zone très à risque pour le Covid.
On trouvait donc, dans ce sommet virtuel, le gratin des zerocovidistes, souvent des personnes issues ou liées au NESCI et provenant plutôt des sciences dures, avec des centres d’intérêt comme l’intelligence artificielle, les data, la finance, ou également, les vaccins. Mais aussi des « survivants » du Covid et des membre des associations de patients Covid Long.
Pour ne citer que les plus connus, étaient présents Deepti Gurdasani, épidémilogiste écossaise spécialisée dans l’intelligence artificielle, Tomas Pueyo, ingénieur français travaillant dans la Silicon Valley ou Eric Feigl Ding, épidémiologiste .
Freddy Sayers, journaliste britannique et fondateur de la revue en ligne « Unherd » assista au congrès virtuel du zérocovidistes et écrivit un article. Pour lui, l’objectif de ce congrès était de mettre en place une stratégie de communication pour amener la population et les politiques à adopter une démarche d’élimination du covid. Mais pour arriver à cela, il fallait avancer masqués, c’est-à-dire en prétendant ne pas viser un tel objectif. Autrement dit, viser le Zérocovid mais sans jamais en parler explicitement.
Au sein de l’Alliance Zérocovid on trouve, parmi tant d’autres, une association française « Ecoles et Familles oubliées ». Nous en reparlerons plus loin.
Autant dire que la communauté d’objectifs est tellement évidente entre les Zérocovidistes et les associations militant pour dramatiser les conséquences du Covid que l’alliance des deux groupes s’est faite tout naturellement. Et dès lors que des motifs si puissants les réunissaient, on peut être sûrs que personne n’a questionné la méthodologie ou les motivations des uns ou des autres.
Convergeances
Des alliés « naturels » dans les associations militant pour la reconnaissance de syndromes proches du Covid Long
Très tôt, les patients militant pour la reconnaissance du Covid Long ont rappelé les précédents de syndromes très semblables et ont voulu associer ces patients à leurs revendications. Comme cela est expliqué clairement dans cet article de Nature.
Ces syndromes, parfois regroupés sous le nom de « syndromes post-viraux » comprennent le syndrome de fatigue chronique, la fibromyalgie, et plus récemment la maladie de Lyme. Malgré l’appellation de syndromes post-viraux les causes restent incertaines et pourraient être aussi bien environnementales, que psychologiques ou infectieuses. Certains parlent d’une difficultés d’adaptation à des situations de stress psychologique ou physique qui peuvent avoir des origines différentes.
Les revendications des associations de représentants de ces pathologies qui ont commencé à être portées et débattues dans les années 80 sont les mêmes, en effet, que pour le Covid Long. Mais la revendication principale reste celle d’être reconnu comme souffrant d’une maladie chronique invalidante, d’origine biologique et en aucun cas d’une maladie d’origine ou intriquée avec des difficultés psychologiques.
Du point de vue médical
Des signes peu spécifiques
Quel est le point de vue médical sur ces syndromes ?
Les symptômes dont se plaignent les patients oeuvrant dans des associations militant pour la reconnaissance du Covid Long sont très peu spécifiques.
Ainsi, une fatigue peut-être causée par à peu près n’importe quoi : d’un manque de sommeil (problème qui peut être d’ordre comportemental), à un cancer, en passant par une hypothyroïdie, une anémie etc.
La fatigue est le symptôme cardinal de ces syndromes et elle est décrite par les patients comme sévère, avec un sentiment d’épuisement, donc invalidante. Elle peut être constante ou récurrente.
Il s’y adjoint, notamment, des douleurs musculaires ou articulaires variables, une sensation de faiblesse, d’incapacité à fournir des efforts, avec des « malaises post-effort » prolongés, des troubles du sommeil, des difficultés de concentration et de mémorisation.
Face au scepticisme des médecins, ou même indépendamment des médecins, ces patients sont souvent demandeurs d’une escalade d’examens qui n’aboutissent souvent à rien.
Un article de « la revue médicale suisse » a fait un point synthétique sur le sujet.
On n’a pas de moyen d’établir un diagnostic de ce syndrome, puisqu’il ne présente aucune caractéristique qui lui soit totalement spécifique. Le diagnostic différentiel, c’est-à-dire ce qui doit être évoqué en présence de symptômes semblables, est une dépression ou des troubles somatoformes, c’est-à-dire des troubles psychosomatiques.
Pour encadrer et orienter le diagnostic en présence d’une personne se plaignant de symptômes pouvant évoquer un syndrome de fatigue chronique ou une fibromyalgie, des critères ont été édictés par différences instances. Plus ces critères seront restrictifs, moins des personnes pourront entrer dans le cadre de ces critères et être reconnues comme présentant un syndrome de fatigue chronique ou une fibromyalgie.
Les critères les plus fréquemment utilisé sont ceux élaborés par Fukuda en 1994.
Comme dans le Covid Long, il y a une prédominance féminine (au moins deux tiers de femmes généralement) et la fréquence du syndrome de fatigue chronique augmente avec l’âge. D’autres facteurs de risque ont pu être retrouvés comme l’appartenance à un groupe socio-économiquement défavorisé. La présence de comorbidités est plus fréquente qu’en population générale. En France on estime que quelques 150 000 à 300 000 personnes se réclament de ces syndromes.
En ce qui concerne le traitement, le reconditionnement physique à l’effort semble donner les meilleurs résultats chez le plus grand nombre de patients mais l’idée que la simple activité physique puisse améliorer leur condition est fortement rejetée par les activistes.
Le professeur de médecine tropicale à l’université de Liverpool, Paul Garner, après avoir lui-même récupéré d’un Covid Long, pense que la clé pour arriver à s’en sortir est de ne pas se laisser entraîner dans une spirale d’auto-déconditionnement. Mais il est bien sûr probable que son propre cas ne puisse être transposé à tous les autres patients. Disons qu’il propose d’aborder les symptômes dans un état d’esprit qui vise à tendre vers la guérison en évitant d’aggraver l’auto-déconditionnement.
Cadrage de la HAS
Nous avons vu que les revendications des associations d’activistes sont d’admettre que n’importe quel symptôme, parmi un très large éventail de symptômes qui peut aller jusqu’à 200, déclaré par n’importe quel patient et même s’il est impossible à relier à une infection, puisse être considéré comme un Covid Long. Du coup, si on accepte l’ensemble des ces revendications, on risque de mettre beaucoup de monde dans le cadre de ce syndrome.
Il y a aussi un considérable vivier de sujets se plaignant de fatigue prolongée dont les causes peuvent être très diverses, y compris plusieurs centaines de milliers de patients se réclamant du syndrome de fatigue chronique qui pourraient être considérés comme des Covid Long.
Le fait de surestimer la fréquence du Covid Long, tout en l’assimilant à une maladie chronique très invalidante, a aussi de graves conséquences pour l’ensemble de la société, en dramatisant à tort les conséquences de l’infection.
L’escalade d’examens demandés par ces patients peut aussi avoir d’autres effets contre-productifs en alertant sur des maladies qui, cette fois, sont réellement imaginaires.
Il en a été ainsi pour les myocardites post-Covid. Ainsi, une étude mal réalisée a lancé une alerte inutile et coûteuse sur une supposée multiplication des myocardites après infection par les SARSCoV2 comme expliqué dans cet article par Florian Zores, cardiologue. De la même manière, la multiplication d’examens provoque souvent des découvertes fortuites sans signification et qui seront mal interprétées. Les découvertes fortuites en imagerie sont appelées des incidentalomes.
Les conséquences néfastes de l’approche préconisée par les activistes sont aussi pour les patients eux-mêmes. Car devant un patient qui se plaint de divers symptômes, le médecin ne doit pas présupposer un diagnostic mais avoir une démarche diagnostique pour bien cerner ce dont souffre son patient et lui proposer le bon traitement et le bon suivi. Il serait dommage de passer à côté d’une maladie auto-immune, d’un cancer, d’une anémie ou d’une hypothyroïdie sous prétexte que le patient veut être diagnostiqué comme Covid Long.
La HAS (Haute autorité de santé) s’est saisie du sujet et, dans le cadre d’une réunion d’un groupe de travail dédié le 12 février 2021, a posé les bases du diagnostic et du suivi des patients se réclamant d’un Covid Long.
Pour commencer la HAS ne parle pas de Covid Long mais bien de « symptômes prolongés après Covid ». Ce qui implique qu’il y a eu un point de départ, un Covid symptomatique diagnostiqué.
Pour la HAS le Covid Long sera un diagnostic d’élimination. C’est-à-dire qu’on ne retiendra un Covid Long que si on a écarté toute autre maladie pouvant provoquer les symptômes.
Lors du webinar du 15 avril 2021 organisé par la HAS, les participants soulignent la nécessité de procéder avec méthode et de tenir compte des facteurs d’entretien, qui peuvent contribuer à prolonger les symptômes, indépendamment d’une origine organique.
Voici un exemple d’algorithme décisionnel pour la dyspnée. On voit qu’après une démarche rigoureuse ne reste que l’hyperventilation qui est d’origine psychosomatique. L’hyperventilation sera donc un diagnostic d’élimination puisqu’on arrive à cela après avoir éliminé des causes organiques possibles.
Les enfants, boucs émissaires ?
Stigmatisation constante des enfants malgré l’absence d’arguments scientifiques. Leur rôle dans la propagation de l’épidémie
Très tôt, les enfants ont été désignés comme représentant un danger pour le reste de la population. Se référant à ce qui était connu pour la grippe, pour laquelle la transmission est plus active et visible pour les enfants que pour les adultes, l’ensemble des experts ont acté qu’il fallait fermer les écoles.
Ils oubliaient simplement que, contrairement au Covid, la grippe provoque des épidémies annuelles pour lesquelles la plupart des adultes présentent un certain degré d’ immunité. Dans le cas du Covid, les adultes ne peuvent pas compter sur leur mémoire immunitaire. Ils sont donc, comme les enfants, naïfs pour le SARSCoV2. Enfants et adultes se trouvent donc dans la même situation face à ce virus.
Tout va donc se jouer sur la capacité du système immunitaire à réagir à un virus nouveau. Or, c’est ce que le système immunitaire des enfants sait faire le mieux car il le fait en permanence. Par définition, les virus que les enfants rencontrent sont souvent nouveaux pour eux.
On aurait donc pu s’attendre et anticiper le fait que le système immunitaire des enfants soit plus apte, mieux préparé à gérer ce nouveau virus qui n’est qu’un nouveau virus parmi d’autres pour les enfants.
Et on a pu constater, en effet, tôt au cours de l’épidémie que les enfants et adolescents présentaient des formes particulièrement bénignes de la maladie, plus fréquemment légères et asymptomatiques que les adultes et très rarement graves. Il s’est avéré que l’âge était, de loin, le principal facteur de risque, le plus déterminant pour prédire les conséquences de la maladie (voir partie 2).
Malgré cela les écoles ont été constamment présentées comme des lieux à risque, des incubateurs pour la propagation de l’épidémie, toujours sur le modèle de la grippe. Les écoles ont donc été fermées dans 190 pays, d’abord pour protéger les adultes en évitant, pensait-on, des vagues épidémiques. Des centaines de millions d’enfants ont été privés d’école, souvent pendant plus d’un an comme ce fut le cas dans l’ensemble du continent américain, en Afrique du Sud ou en Inde. Les conséquences ont été gravissimes. L’UNESCO en a listé quelques unes. Parmi ces conséquences on peut compter le recul de la scolarisation des petites filles dans les pays en développement entraînant des reculs sur l’égalité hommes-femmes, l’aggravation de la dénutrition, l’augmentation des inégalités partout dans le monde, l’augmentation des violences sur enfants et de leur exploitation, la détérioration de la santé mentale des enfants entre autres.
Pourtant, tôt dans le cours de cette épidémie, plusieurs études ont montré que les enfants, même regroupés par dizaines dans les classes, ne jouaient pas le rôle qu’on voulait leur prêter dans la propagation de l’épidémie. Dès le mois de juillet 2020, une étude comparant l’effet sur la propagation de l’épidémie de l’ouverture ou non des écoles a été présentée. Elle comparait la Finlande qui avait fermé ses écoles, et la Suède, et montrait l’absence d’effet identifiable sur la propagation épidémique de cette mesure.
En août 2020, l’ECDC (European Center for Disease Control) exprimait ses doutes sur le rôle joué par les enfants scolarisés dans l’épidémie et sur l’utilité de la fermeture des écoles.
Une autre étude publiée par le PHE (Public Health England) en août 2020 et portant sur la réouverture des écoles en Angleterre concluait que la transmission du SARSCoV2 dans les écoles avait le plus souvent pour origine des adultes, bien qu’ils fussent minoritaires. Et également que l’évolution de l’incidence dans les écoles était plutôt le reflet de l’incidence en population que la cause des vagues épidémiques.
Même si la majorité des études étaient cohérentes et allaient dans le sens d’un rôle modeste des écoles, de temps en temps, des études mal conçues et interprétées venaient relancer les craintes ou, devrait-on dire, l’hystérie, sur le rôle des enfants scolarisés dans l’épidémie et suffisaient à entretenir la peur et à empêcher la réouverture des écoles.
Mais dans l’ensemble, l’essentiel des études menées à ce sujet permettait finalement de conclure que l’incidence des infections dans les écoles tend à être le reflet de l’incidence dans l’ensemble de la communauté.
Certaines études suggèrent même que le risque d’être contaminés, pourrait être plus important pour les enfants au domicile que dans les écoles.
C’est aussi ce que suggère l’observation de l’incidence chez les enfants d’âge scolaire en France. L’incidence à ces âges était plus élevée pendant les vacances d’été 2021 et a continué à décroître après la rentrée scolaire de septembre.
Néanmoins, les partisans de l’élimination du Covid, les Zérocovid, ont continué à alerter sur la nécessité de sécuriser ou de fermer les écoles, avec une tendance constante à la dramatisation. Parmi les organisations qui ont poussé et fait du lobbying en ce sens on compte en France le collectif « Du côté de la science », ou bien l’association « Ecoles et familles oubliées » dont on se souvient qu’elle avait intégré très tôt le mouvement international pour l’élimination du Covid, le Zero Covid Alliance.
Dans le monde anglophone et sur les réseaux sociaux, des personnalités comme l’épidémiologiste écossaise Deepti Gurdasani, une épidémiologiste australienne Zoë Hyde, ou Nisreen Alwan, professeur de santé publique à l’Université de Southampton, mettent constamment en avant le rôle des enfants dans la propagation de l’épidémie. Ils évoquent les dangers du Covid Long pour les enfants, et en appellent à une plus grande coercition et des mesures plus strictes, notamment dans les écoles, dans le but d’éliminer le Covid. La dramatisation repose sur l’idée que les conséquences seront terribles si on laisse le virus circuler. Cette idée elle-même repose sur un manque flagrant de recul envers les idées, postulats et revendications des patients activistes du Covid Long.
Toutes ces organisations, associations et personnalités ont ainsi contribué activement et en dépit des études scientifiques à stigmatiser les enfants et à faire peser sur eux le poids de mesures injustifiées.
Epidémiologie du Covid Long
Bilan des études
Est-ce que les études épidémiologiques confirment les postulats des activistes?
Comment procéder pour évaluer les symptômes persistants après le Covid? Comment s’assurer qu’ils ont bien pour cause l’infection par le SARSCoV2 ?
Si on a bien suivi jusqu’ici on a pu s’apercevoir que la question est complexe. Car, pour chaque personne présentée comme souffrant d’un Covid Long, tous les cas de figure sont possibles. Il se peut que beaucoup des patients ayant répondu à ces enquêtes n’aient jamais eu le Covid et que leurs symptômes n’aient aucun rapport avec le SARSCoV2. Il se peut que, pour certains d’entre eux, l’infection par le SARSCoV2 ait enclenché une spirale descendante de déconditionnement dont le patient ne sait pas se sortir seul ou dont le patient refuse, inconsciemment, de sortir, y trouvant des bénéfices secondaires. Il se peut qu’à l’épisode infectieux initial se soit greffé un état dépressif ou anxieux ou bien que cet état dépressif ou anxieux, déjà provoqué par l’ambiance très anxiogène entretenue par les médias, ait magnifié la perception et les conséquences de symptômes réels. On est là dans le cadre des maladies psychosomatiques où la composante psychique peut expliquer une partie des symptômes, ou la totalité ou bien en majorer la sévérité perçue. Il se peut aussi, et c’est un cas différent, que sur le terrain d’une atteinte organique se soient greffés des symptômes anxio-dépressifs réactionnels à cette atteinte.
Donc, la causalité de symptômes non spécifiques et souvent subjectifs est complexe et ne peut être, en réalité déconnectée du contexte pour en faire une entité purement organique.
Mais le postulat des activistes du Covid Long est que tout symptôme prolongé doit être à priori considéré comme relevant d’une atteinte organique causée par le SARSCoV2, et aboutirait à une pathologie chronique invalidante. Ce qui justifierait de réclamer de multiples investigations visant à étayer ce postulat et une reconnaissance d’invalidité.
De leur côté, les scientifiques ont voulu aborder le problème différemment. Car en science on ne postule pas qu’on possède à priori la connaissance mais on formule des hypothèses qu’on cherche à mettre à l’épreuve par des études observationnelles ou interventionnelles adéquates, afin de les vérifier ou de les invalider.
L’approche des scientifiques a donc été de se dire que pour connaître les conséquences du Covid il fallait suivre des personnes qui avaient effectivement été infectées. Et non, à l’inverse, postuler qu’elles avaient été infectées parce qu’elles présentaient des symptômes.
Une bonne partie des meilleures études sur le sujet ont été menées en Grande Bretagne, par des organismes publics.
Les questions auxquelles il fallait répondre étaient nombreuses. Et on ne pouvait y répondre que par de vraies études. Parmi ces questions, on devait essayer de savoir quels étaient les symptômes qui apparaissaient après le Covid et qui n’étaient pas présents auparavant, condition nécessaire mais non suffisante pour définir ce qui pouvait être attribué au Covid.
Parmi ces nouveaux symptômes, quels étaient les symptômes les plus fréquents, ceux qui pouvaient le mieux définir la pathologie? Y avait-il des facteurs de risque, des personnes dont les caractéristiques faisaient qu’elles étaient plus à risque que d’autres ? Est-ce que ces symptômes étaient spécifiques du SARSCoV2 ou les retrouvait-on pour d’autres infections ? Et si oui, à quelle fréquence ? Ces symptômes étaient-ils forcément chroniques et invalidants, comme le prétendaient les associations ?
Et, finalement, y avait-il « un » Covid Long, ou bien s’agissait-il d’un groupe très hétérogène de réactions différentes, organiques et/ou psychologiques à une pathologie dans un contexte particulier qui est celui d’une pandémie, avec des confinements et une dramatisation constante de la situation par les médias ?
Pour ce qui est de l’aspect contextuel une étude établit désormais clairement que le contexte pandémique avec son cortège de catastrophisme et de restriction des libertés a notablement détérioré la santé psychique des populations, et en particulier des enfants et adolescents, même dans des pays comme l’Australie, qui ont pourtant peu souffert de la pandémie elle-même.
L’on constate également que les études les mieux conçues, c’est-à-dire les études avec groupe contrôle et/ou prospectives et/ou avec randomisation, sont aussi celles qui soulèvent le moins d’inquiétudes concernant les symptômes prolongés après Covid chez l’enfant.
Ainsi, une revue des études sur le Covid Long chez l’enfant remet en question l’existence de symptômes spécifiques, du fait de la difficulté à les distinguer des symptômes liés au contexte de la pandémie.
Dans cette revue, les études avec groupe témoin trouvent généralement une proportion moindre d’enfants atteints de symptômes prolongés, ce qui souligne l’importance de la méthodologie pour quantifier les données et les interpréter.
Parmi les études évoquées dans cette révue des meilleures études au sujet des symptôme prolongés après Covid, l’étude de Molteni, réalisée en Grande Bretagne, à partir d’une application couramment utilisée pour la surveillance du Covid en population, la Zoé App, a permis de suivre un grand nombre d’enfants, grâce aux symptômes rapportés par les parents au moins une fois par semaine. Sur une population de 258 790 enfants, 1734 enfants testés positifs et symptomatiques ont pu être suivis entre septembre 2020 et janvier 2021. Tous les symptômes relevés par les parents ont été pris en compte ainsi que leur durée. Les symptômes prolongés pouvaient être intermittents ou continus (ici, ils étaient présents au moins une fois dans la semaine). Et le groupe d’enfants ayant un test PCR positif a été comparé à un groupe symptomatique mais ayant un test négatif. Pour cela les enfants positifs pour le Covid, ou Covid+ ont été appariés un à un avec des enfants symptomatiques mais négatifs pour le Covid selon l’âge, le sexe et la date du test.
Cette étude répondait donc notamment à la question de savoir si les enfants symptomatiques qui avaient une primo-infection confirmée par le Covid présentaient des symptômes spécifiques, d’une durée plus importante que des enfants symptomatiques infectés ou réinfectés par n’importe quel autre virus respiratoire courant provoquant des symptômes semblables à ceux du Covid. Pour l’analyse des résultats les enfants furent divisés en deux groupes d’âge, le groupe des 5-11 ans et le groupe des 12-17 ans.
L’étude montra que la durée initiale des symptômes était supérieure chez les enfants symptomatiques présentant une primo-infection par le SARSCoV2 par rapport aux enfants infectés ou réinfectés par d’autres virus courants (6 jours versus 3 jours).
D’autre part, des symptôme, un ou plusieurs, étaient encore présents, de manière continue ou intermittente à 28 jours (4 semaines) pour 4,4% de l’ensemble des enfants Covid+ de 5 à 17 ans (77/1734) versus 0,9% des enfants symptomatiques négatifs, mais seulement chez 3,1% des enfants de 5-11 ans Covid +. Toutefois les enfants symptomatiques mais négatifs pour le Covid avec des symptômes encore présents à 28 jours avaient un nombre moyen de symptômes nettement plus élevé tout au long de leur maladie (9 chez les enfants négatifs versus 5 chez les enfants Covid+). Le nombre d’enfants symptomatiques diminuait régulièrement avec le temps, ainsi que le nombre moyen de symptôme éprouvés par les enfants encore symptomatiques (6 en début de maladie versus 2 à J28). Parmi les 77 enfants Covid+ ayant des symptômes continus ou intermittents au cours de 28 jours, les symptômes les plus fréquents étaient la fatigue, les céphalées et l’anosmie. Au bout de 8 semaines (J56) la proportion d’enfants Covid+ symptomatiques avait été divisée par 2,3 et il n’y avait plus que 1,8% des enfants Covid + présentant encore des symptômes (25/1379) mais 1,3% des enfants de 5-11 ans.
Cette étude confirmait ce qu’avait déjà montré une précédente étude du même type chez les adultes. A savoir que la proportion des personnes ayant une durée prolongée des symptômes augmente avec l’âge, les plus jeunes ayant moins fréquemment des symptômes prolongés. Les symptômes prolongés sont aussi d’autant plus fréquents que la maladie initiale est plus « bruyante » avec davantage de symptômes. D’autre part, la fréquence des symptômes prolongés diminue rapidement avec le temps. Le groupe des enfants plus jeunes a une durée médiane plus courte des symptômes, présente moins de symptômes et présente moins fréquemment des symptômes prolongés.
Globalement, il n’y a pas de réelle spécificité des symptômes prolongés après une primo-infection par le SARSCoV2 par rapport à une infection ou réinfection par les virus respiratoires habituels. Il faut noter également que dans le cas du SARSCoV2 il s’agit uniquement de primo-infections, alors que les enfants peuvent avoir déjà été exposés aux autres virus respiratoires courants. On est donc en train de comparer une primo-infection à un groupe présentant aussi des réinfections dont on sait qu’elles sont plus légères, y compris pour le SARSCoV2.
Les symptômes potentiellement neurologiques sont moins fréquents que chez l’adulte et d’une durée médiane courte de 2 jours seulement (50% des enfants éprouvent ce type de symptômes pendant moins de deux jours). Des symptômes proprement neurologiques comme la paralysie, l’ataxie, ne sont pas retrouvés chez les enfants . Les difficultés de concentration, ne sont pas retrouvés non plus chez les enfants dans cette étude.
Pour interpréter les résultats, il faut aussi prendre en compte le fait qu’il s’agit d’enfants symptomatiques. Les proportions ne s’appliquent donc pas à l’ensemble des enfants primo-infectés par le Covid. Or, on sait qu’environ 50% des enfants sont asymptomatiques.
Si on se posait la question : « que se passe-t-il si un enfant présente une primo-infection par le SARS-CoV2 ? » il faudrait donc diviser les fréquences des symptômes prolongés par deux. Cela voudrait dire qu’au bout de 4 semaines environ 98% des enfants primo-infectés par le SARSCoV2 n’ont plus de symptômes et que cette proportion est d’autant plus importante que les enfants sont jeunes.
Cette étude est confirmée par l’étude de l’ONS (Office for national Statistics) qui trouve les mêmes tendances et fréquences.
Au total les postulats des activistes se sont avérés faux. Les symptômes apparaissant après une infection par le Covid répondent à des facteurs de risque qui sont sensiblement les mêmes que ceux qui déterminent la gravité de la maladie. Le risque de survenue de symptômes prolongés augmente notamment avec l’âge. La tendance à l’amélioration et à la guérison est aussi très nette. Ces symptômes ne sont pas, dans la grande majorité des cas, les symptômes initiaux d’une maladie chronique.
Problèmes méthodologiques
Les différences dans les résultats s’expliquent souvent par des problèmes méthodologiques
Plusieurs autres études ne trouvent aucune différence ou une différence négligeable entre les enfants testés positifs pour le SARSCoV2 et les autres. Comme une étude allemande et une étude norvégienne .
D’autres études, néanmoins, montrent des fréquences plus importantes pour les symptômes persistants, ou des fréquences plus importantes par rapport au groupe témoin.
Comment expliquer cela ?
Essentiellement par des problèmes méthodologiques.
A un extrême, le type d’enquêtes menées par les groupes d’activistes du Covid Long permettent de capturer toute sorte de patients, indépendamment du fait de savoir s’ils ont eu ou non le Covid, mais particulièrement les patients qui ont un fond anxio-dépressif et une somatisation de symptômes psychiques. Cela parce que ces études postulent que tous ces symptôme sont dus au Covid alors qu’ils peuvent avoir une multitude de causes. De plus, sur des enquêtes en ligne, les patients les plus anxieux vont avoir tendance à s’auto-sélectionner pour répondre à l’enquête. Ce qui introduit un biais supplémentaire. On peut alors parler d’effet nocebo, la dramatisation médiatique augmentant le nombre de personnes éprouvant des symptômes subjectifs et désireuses de répondre à une telle enquête en présumant que leurs symptômes sont dus au Covid. Ainsi, une étude montre que la présence de symptômes anxio-dépressifs prédit 27% de la variance dans le fait de se dire atteint de Covid Long.
Une autre étude irlandaise cherchant à comprendre les facteurs prédictifs de la fatigue attribuée au Covid Long a pu montrer que les personnes aux antécédents anxio-dépressifs étaient surreprésentés parmi ceux-ci.
En ce qui concerne les adolescents, une étude néerlandaise menée en 2013 sur le syndrome de fatigue chronique après la maladie du baiser (infection par le virus d’Ebstein Barr), montrait que plus la mère se focalisait sur les symptômes somatiques plus ceux-ci avaient tendance à être prolongés.
De même, plus le nombre de symptômes pris en compte est important, plus on va faire basculer de personnes du groupe non-Covid Long, vers le groupe Covid-Long, parce que plus la liste des symptômes est longue plus il y a de chances qu’une personne les ait éprouvés à un moment quelconque au cours de plusieurs semaines. Le fait d’inclure dans le groupe Covid Long des patients se plaignant d’un quelconque de ces symptômes à un moment quelconque pendant plusieurs semaines augmente mécaniquement la part des patients considérés comme Covid Long.
Des symptômes souvent invalidants?
Mais l’erreur la plus fréquente, notamment de la part des journalistes, a été de considérer que des études portant sur des patients présélectionnés pour leur sévérité, comme des patients hospitalisés, voire hospitalisés en réanimation, s’appliquait à l’ensemble de la population.
D’autre part, les activistes du Covid Long ont entretenu la confusion entre symptômes prolongés ou persistants et symptômes invalidants.
Or, on a peu d’études qui s’intéressent à la sévérité des symptômes prolongés. Cependant, une étude longitudinale britannique met en évidence que le Covid aurait un impact prolongé, à 12 semaines, sur la vie quotidienne des patients chez 1,2% des personnes âgés en moyenne de 20 ans et chez 4,8% des patients âgés en moyenne de 63 ans. On est donc assez loin des 10 à 30% des patients infectés en population générale souffrant de maladies chroniques invalidantes après une infection par le Covid.
Globalement, en plus de l’âge, qui est, comme pour le Covid aigü le déterminant majeur de ces symptômes prolongés et la sévérité initiale des symptômes, le sexe féminin, le fait d’appartenir à une catégorie sociale défavorisée, le fait d’avoir un mauvais état de santé physique ou psychique préalable sont des facteurs de risque pour des symptômes prolongés après Covid.
Tout cela nous peint un tableau bien différent de celui mis en avant par les groupes d’activistes à savoir une grande fréquence de symptômes neurologiques chroniques et invalidants.
Et il faut, décidément, préférer l’expression symptômes prolongés post-Covid à la dénomination Covid Long, devenue très connotée du fait du traitement médiatique du sujet.
En conclusion
- Les symptômes prolongés après Covid sont probablement la résultante d’un ensemble d’éléments variés, qui vont du contexte pandémique, avec son cortège de dramatisation psychogène, à un effet propre du virus.
- Des groupes d’activistes ont voulu saisir cette opportunité pour augmenter leur visibilité et mettre en avant leurs revendications propres. Des revendications semblables de personnes atteintes de ce qu’on a voulu parfois rassembler sous la dénomination de syndromes post-viraux comme le syndrome de fatigue chronique ou la fibromyalgie, se sont longtemps heurtées au scepticisme des médecins et au classique « c’est dans la tête ». Comme si une telle affirmation suffisait à régler le problème et à effacer la souffrance.
- À la décharge des médecins, la causalité de la souffrance dépasse largement le domaine de la médecine pure. Dans un monde où les inégalités et la compétition sont croissantes, la pression d’origine sociale, familiale ou professionnelle s’accroît et ce qu’une parole non entendue ne peut exprimer cherche à s’exprimer par d’autres voies.
- La souffrance psychique n’est plus entendable et il n’y a pas de lieu pour l’accueillir dans un monde où il faut être performant et où les faibles sont laissés sur le bas-côté.
- C’est, de mon point de vue, ce qui explique que certains parmi les patients en souffrance tendent à revendiquer fortement, désormais, une origine organique à leur souffrance. Une origine organique appelle une réponse technique et rend la souffrance intéressante aux yeux du corps médical et bankable pour l’industrie pharmaceutique. Donc attire l’attention et les financements.
- Dans le contexte pandémique, les groupes d’activistes ont trouvé un terreau favorable à leurs revendications et des alliés crédibles du point de vue de la communauté scientifique. Ces alliés ont appuyé leur postulat d’une origine purement organique à des symptômes chroniques et invalidants, bien que celle-ci ait été mal étayée par des études de très mauvaise qualité.
- Les études doivent avoir une méthodologie adaptée à la question à laquelle elles prétendent répondre. Les choix faits en matière de population étudiée, de symptômes pris en compte, de durée des symptômes, de méthodologie et de présence d’un groupe contrôle vont influer sur les résultats obtenus. Les meilleures études tendent à montrer une fréquence moindre des symptômes prolongés par rapport aux études de mauvaise qualité.
- En réalité, les symptômes prolongés après Covid peuvent être très divers, légers ou plus graves, intermittents ou continus. Ils sont en général rares chez les enfants et ont tendance à s’améliorer avec le temps. Ils ne devraient donc pas être qualifiés de « chroniques » car ils sont généralement transitoires. Ils ne sont ni spécifiques au Covid ni sensiblement différents des symptômes prolongés observés pour les infections respiratoires courantes de l’enfance. Ils impactent rarement la vie quotidienne. Les symptômes proprement neurologiques ne sont pas toujours retrouvés chez les enfants et adolescents, même dans des études de bonne qualité. S’ils existent ils sont donc probablement très rares. Les symptômes souvent évoqués par des activistes comme caractérisant leur pathologie, comme le brouillard mental, les difficultés de concentration, semblent très rares chez l’enfant et de courte durée.
- Les symptômes post-covid sont sensibles à des aspects contextuels et sous l’influence de l’ambiance générale, qui a été très anxiogène pendant toute la crise du Covid. Ils peuvent aussi être influencés par des facteurs familiaux et psychologiques, notamment la focalisation des parents sur les symptômes. L’état de santé physique et psychique préalable des enfants joue aussi un rôle important dans la rapidité de leur rétablissement après une infection.
- Malgré ces faits et leur rôle modeste dans la transmission, les enfants ont été utilisés pour justifier les revendications de groupes d’adultes et orienter les décisions vers des mesures plus restrictives visant à une élimination de la circulation virale.
- Les enfants ont, malheureusement, été constamment instrumentalisés pendant cette crise par des adultes, anxieux ou cyniques, pour leurs fins ou leur obsessions propres. Ils ont déjà payé un prix très lourd à cause de cela.
- L’obsession de l’élimination du Covid, bien que non justifiée, entraîne l’ensemble de ces activistes, leaders d’opinion et groupes de pression, à préconiser la vaccination systématique de l’ensemble de la population y compris des jeunes enfants. Le Covid Long cette notion floue et, comme on l’a vu, mal étayée, leur sert de prétexte pour essayer d’imposer coûte que coûte la vaccination des plus jeunes.
Dans la partie suivante il sera question du rapport bénéfice-risque des vaccins contre le Covid chez les enfants et adolescents.
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