La vaccination des enfants contre le Covid19, 1ere partie
Une tribune co-écrite
Il m’a été proposé de participer à la rédaction de l’article qui suit au mois de mai 2021, en collaboration avec Elia Abi-Jaoude, pédo-psychiatre à Toronto, et Peter Doshi, professeur associé à l’Université de Maryland dans le service de Recherche sur la santé pharmaceutique, une spécialité à la croisée des politiques publiques de santé, de l’épidémiologie, des politiques du médicament et de l’économie.
Peter Doshi est spécialisé dans les questions concernant la transparence et l’accès aux données et est aussi éditeur au British Medical Jounal (BMJ) une des plus anciennes et renommées revues médicales au monde. Nous avons éprouvé une certaine difficulté à publier notre article et BMJ opinion, une publication du groupe BMJ qui publie des opinions de médecins et chercheurs sur des sujets médicaux, l’a finalement accepté mais à condition qu’il soit relu par les pairs ce qui n’est pas nécessaire habituellement. Nous avons donc échangé avec les relecteurs et apporté les précisions demandées. L’article est finalement paru en ligne le 13 juillet et il a rencontré un certain succès auprès des lecteurs de BMJ opinion.
La traduction en français
Vaccins Covid-19 pour les enfants : les avantages hypothétiques pour les adultes ne l’emportent pas sur les risques pour les enfants
Traduction en français, ajout d’intertitres et mise en forme pour Medcritic
13 juillet 2021
Comme la majorité des adultes dans plusieurs pays occidentaux riches ont maintenant reçu au moins une dose de vaccin contre le Covid-19, l’attention se tourne vers les enfants. Bien qu’il soit largement reconnu que le risque de contracter le Covid-19 sévère est faible chez les enfants, nombreux sont ceux qui pensent que la vaccination massive des enfants pourrait non seulement protéger les enfants contre le Covid-19 sévère, mais aussi empêcher la transmission, protégeant ainsi indirectement les adultes vulnérables et contribuant à mettre fin à la pandémie. Cependant, de multiples hypothèses doivent être examinées pour juger des appels à la vaccination des enfants contre le Covid-19.
Sévérité de la maladie et réponse immunitaire chez les enfants
Premièrement, la maladie chez les enfants est généralement bénigne et les séquelles graves restent rares. Bien que le “Covid long” ait récemment fait l’objet d’une attention accrue, deux grandes études menées chez des enfants montrent que les symptômes prolongés sont rares et globalement similaires ou plus légers chez les enfants testés positifs pour le SRAS-CoV-2 que chez ceux présentant des symptômes dus à d’autres virus respiratoires. Selon les estimations du Centre américain de contrôle des maladies (CDC), le taux de létalité de l’infection par le Covid-19 chez les enfants de 0 à 17 ans est de 20 pour 1 000 000. Les taux d’hospitalisation sont également très faibles et ont probablement été surestimés. En outre, une grande partie des enfants ont déjà été infectés par le SRAS-CoV-2. Le CDC estime que 42 % des enfants américains âgés de 5 à 17 ans avaient été infectés en mars 2021. Étant donné que l’infection par le SRAS-CoV-2 induit une réponse immunitaire robuste chez la majorité des individus, on peut en déduire que les risques que présente le Covid-19 pour la population pédiatrique pourraient être encore plus faibles que ce qui est généralement estimé.
Des bénéfices hypothétiques
Lors de l’essai clinique à l’origine de l’autorisation du vaccin à ARNm de Pfizer-BioNTech chez les enfants âgés de 12 à 15 ans, sur près de 1000 enfants ayant reçu un placebo, 16 ont été testés positifs pour le Covid-19, contre aucun dans le groupe entièrement vacciné. Compte tenu de cette faible incidence, du fait que le Covid-19 est généralement asymptomatique ou bénin chez les enfants, et du taux élevé d’effets indésirables chez les personnes vaccinées (par exemple, dans l’essai de Pfizer sur des enfants de 12 à 15 ans, 3 enfants sur 4 ont souffert de fatigue et de maux de tête, environ la moitié ont eu des frissons et des douleurs musculaires, et environ 1 sur 4 à 5 a eu de la fièvre et des douleurs articulaires), une comparaison des années de vie gagnées pondérées par la qualité (QALY) dans l’essai serait très nettement en faveur du groupe placebo. Les avantages potentiels du vaccin, notamment la protection des enfants contre les Covid sévères ou longs, ou les Covid-19 dans les mois qui viennent, pourraient modifier cet équilibre, mais de tels avantages n’ont pas été démontrés dans l’essai sur les adolescents et jeunes adultes et restent hypothétiques.
Des effets indésirables reconnus
Même si l’on suppose une protection contre le Covid-19 grave, étant donné sa très faible incidence chez les enfants, il faudrait vacciner un nombre extrêmement élevé d’enfants pour prévenir un seul cas grave. Pendant ce temps, un grand nombre d’enfants présentant un risque très faible de maladie grave seraient exposés aux risques connus et inconnus du vaccin. Jusqu’à présent, le gouvernement israélien a jugé que le vaccin à ARNm de Pfizer était probablement lié à une myocardite symptomatique, avec une incidence estimée entre 1 sur 3000 et 1 sur 6000 chez les hommes âgés de 16 à 24 ans. En outre, les effets à long terme des vaccins à base de matériel génétique, qui impliquent de nouvelles plateformes vaccinales, restent essentiellement inconnus.
Part de la transmission du virus par les enfants
En ce qui concerne le risque de transmission du SRAS-CoV-2 des enfants aux adultes, il est également faible et en diminution, mais non négligeable. Les enseignants sont plus susceptibles de contracter le SRAS-CoV-2 par d’autres adultes que par leurs élèves. La contribution des écoles à la transmission communautaire a toujours été faible dans toutes les juridictions. De plus, si l’on considère les estimations selon lesquelles 42 % des personnes âgées de 5 à 17 ans aux États-Unis sont désormais post-covid, cela ne devrait que diminuer le risque de transmission par les enfants. Si l’on ajoute à cela le fait que la plupart des adultes des pays occidentaux riches ont reçu au moins une dose de vaccin contre le Covid-19 – environ 80 % des adultes britanniques ont maintenant des anticorps contre le SRAS-CoV-2, que ce soit à la suite d’une infection antérieure ou d’une vaccination – il semble que les possibilités pour les enfants d’être des vecteurs de transmission aux adultes s’amenuisent.
Compte tenu de toutes ces considérations, l’affirmation selon laquelle la vaccination des enfants contre le SRAS-CoV-2 protégera les adultes reste hypothétique. Même si nous supposions que cette protection existe, le nombre d’enfants qu’il faudrait vacciner pour protéger un seul adulte d’un épisode de Covid sévère – compte tenu des faibles taux de transmission, de la forte proportion d’enfants déjà post-covid et du fait que la plupart des adultes sont vaccinés ou post-covid – serait extraordinairement élevé. De plus, ce nombre serait probablement défavorable par rapport au nombre d’enfants qui seraient lésés par des effets indésirables, y compris pour les événements graves rares.
Questionnement éthique
Une question distincte, mais cruciale, est celle de l’éthique. La société doit-elle envisager de vacciner les enfants, de les soumettre à un risque quelconque, non pas dans le but de leur faire du bien, mais pour protéger les adultes ? Nous pensons que c’est aux adultes qu’il incombe de se protéger. Dans de multiples régions du monde, la grande majorité des adultes, y compris ceux qui sont à haut risque, n’ont pas été entièrement vaccinés contre le Covid-19. Si l’objectif est de protéger les adultes, les efforts ne devraient-ils pas être concentrés sur la vaccination complète des adultes plutôt que de cibler les enfants ? En outre, il est très inéquitable de vacciner des enfants à très faible risque dans les pays riches alors que de nombreux adultes vulnérables dans les pays à faible revenu n’ont reçu aucune dose.
Conclusion
Il n’est pas nécessaire de se précipiter pour vacciner les enfants contre le Covid-19 – la grande majorité d’entre eux n’en tirent que peu de bénéfices, et il est éthiquement douteux de poursuivre une hypothétique protection des adultes tout en exposant les enfants à des préjudices, connus et inconnus. Le rapport bénéfice/risque peut être différent chez les enfants présentant un risque relativement plus élevé de maladie grave, comme ceux qui sont obèses ou immunodéprimés. Sinon, il faut s’assurer que des vaccins sûrs et efficaces sont disponibles pour les populations adultes qui ont le plus à gagner, notamment celles à haut risque. Entre-temps, il faudrait procéder à une évaluation active et continue des risques pour les jeunes, y compris la recherche sur les facteurs de risque de Covid grave et l’impact des nouveaux variants, ainsi que l’évaluation continue de l’efficacité et de la sécurité des vaccins. Il faudrait également évaluer en permanence la protection offerte par l’immunité induite par l’infection par rapport à l’immunité induite par le vaccin, en particulier chez les jeunes.
- Elia Abi-Jaoude, Département de psychiatrie, Université de Toronto, ON, Canada
- Peter Doshi, Département de recherche sur les services de santé pharmaceutiques, École de pharmacie de l’Université du Maryland, Baltimore
- Claudina Michal-Teitelbaum, Médecine préventive, Chercheur indépendant, Lyon, France
Liens d’intérêt :
PD a reçu des fonds de voyage de la Société respiratoire européenne (2012) et du Centre de surveillance d’Uppsala (2018) ; des subventions de la FDA (par le biais de l’Université du Maryland M-CERSI ; 2020), de la Laura and John Arnold Foundation (2017-22), de l’American Association of Colleges of Pharmacy (2015), du Patient-Centered Outcomes Research Institute (2014-16), du Cochrane Methods Innovations Fund (2016-18) et du UK National Institute for Health Research (2011-14) ; il a été membre non rémunéré du comité directeur IMEDS de la Reagan-Udall Foundation for the FDA (2016-20) et est rédacteur au BMJ.
EAJ et CMT n’ont aucun conflit d’intérêt financier pertinent à déclarer. Les points de vue et opinions exprimés ici sont ceux des auteurs et ne reflètent pas nécessairement la politique ou la position officielle de l’Université du Maryland ou de l’Université de Toronto.
Lien pour la version en anglais
Que s’est il passé depuis la rédaction de l’article ?
4 nouveaux articles à paraître sur le site :
Partie II: Quels sont les risques à court terme d’une primo-infection par le SARS-CoV-2 pour les enfants et adolescents? Sont-ils différents de ceux des infections courantes de l’enfance? (infection aigüe et PIMS)
Partie III: Les symptômes persistants post-covid chez l’enfant, évolution de l’état des connaissances
Partie IV: La primo-infection naturelle confère-t-elle une protection durable et quel rôle jouent les enfants dans la pandémie et le passage à l’endémicité du Covid19?
Partie V: Vaccination contre le Covid19 et rapport bénéfice-risque: comment l’évaluer? que doit-on prendre en considération et que sait-on?
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2 comments
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[…] It is against bioethics and the law to vaccinate groups of individuals who were excluded from phase 3 clinical trials, especially those under the age of 18. http://badbqqd.cluster028.hosting.ovh.net/la-vaccination-des-enfants-contre-le-covid19-1/ : […]