Article adapté d’un thread Twitter – en savoir plus
Vous avez peut-être entendu Caroline Receveur, influenceuse, @caroreceveur , à 31 ans, appeler au dépistage du cancer sein, en donnant l’exemple, parce que ce cancer toucherait “des femmes de plus en plus jeunes” et qu’il est donc “recommandé” de se faire dépister.
Publié dans des revues de référence comme “Voici”, “Closer” et “Non stop people”, cet appel a aussi bénéficié d’une audience de plus de 3 millions de followers sur Instagram, surtout des femmes jeunes.
Caroline Receveur est une influenceuse, c’est à dire quelqu’un qui monétise ses followers et qui loue ses services à des marques, des sociétés commerciales pour faire vendre des produits. Utiliser des influenceurs est une modalité du marketing.
Elle s’adresse à un public jeune et peu informé qui lui fait confiance et, en l’occurrence, on peut s’interroger sur ses motivations: anxiété? contrat à remplir avec l’Institut de Radiologie de Paris, dont elle chante les louanges? Avec quelqu’un d’autre?
En tous cas cette influenceuse mode n’a rien inventé, car depuis le livre de Rachel Campergue “No Mammo” en 2011, nous savons que cancer du sein et business font très bon ménage.
On peut même dire que les sociétés qui ont lancé ce concept sont des pionniers en la matière. Pour la première fois on avait compris l’intérêt d’associer une marque à une cause “philanthropique” pour booster les ventes, comme l’explique cet article en 1998.
Mais cette peopolisation de la santé publique est très dangereuse pour celles qui se font avoir parce qu’elles font confiance. Le tapage fait par Angelina Jolie autour de son cas personnel avait accentué la tendance aux mastectomies prophylactiques et tests inutiles.
Or, s’ il est rare que l’ensemble des acteurs de la santé soient d’accord sur quelque chose là, tout le monde est d’accord: faire une mammographie chez une femme de 30 ans sans risque particulier est inutile et dangereux.
Pourquoi? Est-ce que ce n’est pas bien de découvrir un cancer le plus tôt possible?
Si tout était aussi simple… mais pratiquement rien n’est aussi simple en médecine. On peut trouver des explications claires dans plusieurs blogs:
Pour expliquer cela je reprendrai le résumé du livre de Rachel Campergue par @docdu16 et je donnerai un résumé audio très court et très clair à la fin du thread.
Pour commencer, il y a peu de cancers du sein avant 40 ans, les cancers qui surviennent très jeunes surviennent généralement chez des femmes qui ont des mutations type BRCA1 ou 2 et qui ont des histoires familiales de cancer du sein. 120 000 femmes environ en France.
L’âge médian de survenue de ces cancers est de 40 à 43 ans, à savoir que la moitié des femmes ayant ce type de prédisposition génétique aura eu un diagnostic de cancer du sein avant cet âge.
Mais cet âge médian est de 68 ans en population générale pour les 33 millions de femmes restantes.
Pour savoir si on a un risque d’appartenir à cette catégorie il faut consulter son médecin qui pourra faire un questionnaire standardisé très simple.
Mais ces femmes à risque élevé ne relèvent pas du dépistage universel.
Pourquoi n’est-il pas intéressant de se faire dépister tôt quant on n’a pas de prédisposition génétique au cancer du sein?
Déjà, simplement, parce que pour les femmes non prédisposées, le risque est très très faible d’avoir un cancer du sein à cet âge. En effet, en moyenne le cancer chez une femme non prédisposée survient 25 à 30 ans plus tard.
Pourquoi est-ce particulièrement risqué de se faire dépister quand on est jeune et sans prédisposition?
Parce que dès lors qu’on n’attend pas de bénéfices on ne peut tolérer aucun risque. Or, la mammographie comporte des risques. En particulier, l’interprétation de l’image chez une femme jeune sera plus difficile et plus sujette à des erreurs. Les femmes se verront annoncer à tort un résultat positif (faux positif). Elles se verront alors proposer une biopsie, pour confirmer ou non le diagnostic.
Chez des femmes plus âgées, la biopsie confirme le résultat positif de la mammographie dans environ 7% des cas. Chez les femmes jeunes, ce chiffre sera bien plus faible. En attendant, il y aura biopsie.
Parce qu’une mammographie est un type d’examen radiologique particulier, qui irradie particulièrement le sein. Ces doses de radiations sont cumulatives. La répétition des mammographies est susceptible de favoriser elle-même des cancers, d’autant plus que l’on commence jeune.
Le surdiagnostic est un problème lié au dépistage. Le surdiagnostic c’est lorsqu’on porte un diagnostic de cancer après biopsie, mais que celui-ci n’aurait jamais fait parler de lui durant toute la vie de la femme si on ne l’avait pas cherché.
Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer le surdiagnostic et il y a probablement plusieurs explications. Par exemple certains cancers restent stables, voire, peuvent régresser ou évoluent très lentement.
Mais il ne faut pas écarter non plus les diagnostics portés à tort, car les biopsies doivent être interprétées et les anatomo-pathologistes ne sont pas toujours d’accord sur cette interprétation.
On n’ a aucun moyen de savoir qui a été diagnostiqué à tort, car on ne peut se baser que sur les statistiques. Mais pour une femme surdiagnostiquée cela signifie concrètement subir le traitement d’un cancer pour rien.
Ce risque de surdiagnostic est une des raisons pour lesquelles le Swiss Medical Board, un organisme interdisciplinaire indépendant, s’est prononcé, en 2013, contre le dépistage organisé systématique du cancer du sein. Les estimations pour le surdiagnostic varient de 1 femme sur 10 à 1 sur 2 diagnostiquée après dépistage.
Face au risque posé par la peopolisation de la santé publique, les journalistes doivent faire leur travail.
Ceux de France Info l’ont fait en interviewant Bernard Duperray du site CancerRose.
En 3 minutes il donne des explications très claires.
Bernard Duperray est radiologue. Le risque pour les jeunes femmes vient aussi de ce que tous les radiologues n’ont pas l’éthique de Bernard Duperray et que pour les “bienveillants” professionnels de l’Institut de Radiologie de Paris, business is business.
Pour aller plus loin
Présentation du rapport bénéfice-risque du dépistage organisé – Harding
Documentaire “Au nom de tous les seins” Coline Tison – France 5 janvier 2016
Revue Que Choisir
Site Cancer Rose
Résultats de la concertation citoyenne de 2016
Twitter est un réseau social qui permet à l’utilisateur d’envoyer des messages courts (tweets) n’excédant pas 280 caractères (ce qui explique l’emploi fréquent d’abréviations). Un thread Twitter est une série de tweets qui se succèdent, émis par un même auteur pour former un contenu plus long. L’auteur peut d’ailleurs numéroter chaque tweet pour les ordonner. Cet article est une reprise sous format blog d’un thread Twitter dont voici l’origine :
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